L'activation dimanche par la zone euro d'un plan de sauvetage
sans précédent pour Athènes avec le FMI, de 110 milliards d'euros
sur trois ans, est intervenue après trois mois de tergiversations.
La crise grecque a pourtant éclaté il y a plus de six mois, quand
le gouvernement grec a relevé brutalement sa prévision de déficit
public pour 2009.
De colloques en conclaves
Les Européens ont ensuite attendu un sommet le 11 février pour
promettre leur solidarité à Athènes. Et il leur a fallu encore
plusieurs réunions ministérielles avant l'activation finale de leur
aide, qui sera définitivement formalisée vendredi lors d'un sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement.
Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro,
Jean-Claude Juncker, a reconnu dimanche avoir "failli perdre
patience en cours de route". Pour expliquer le retard, il a invoqué
"les différences culturelles" selon les pays de la zone euro, les
différences entre les procédures parlementaires, et "les
explications à donner aux opinions publiques".
De fait, ce sont essentiellement les réticences de l'Allemagne,
confrontée à une opinion publique hostile à "payer" pour la Grèce,
qui ont freiné la manoeuvre. Mais le difficile processus de
décision européen et le caractère inédit d'une crise jamais
envisagée au moment de la création de la zone euro ont aussi
pesé.
L'Italien Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE, a
également déploré lundi que l'Europe n'ait pas trouvé "une
procédure plus rapide et efficace", qui "aurait évité de déchaîner
les marchés", mettant en cause "des incertitudes, un manque de
leadership, des sursauts nationalistes".
En finir avec la navigation à vue
Les Européens réfléchissent déjà depuis des mois à la façon de
renforcer la coordination de leurs politiques économiques, pour
éviter notamment des écarts de compétitivité trop importants entre
les pays. Ils veulent aussi durcir la surveillance commune des
déficits nationaux.
Plusieurs chantiers sont en cours, au niveau de la Commission
européenne et des Etats. Mais la crise grecque a renforcé cette
détermination. Les dirigeants de la zone euro vont ainsi tirer les
premières leçons de la crise vendredi à Bruxelles. Ils devraient
concentrer leurs débats sur les moyens de renforcer la discipline
budgétaire dans la zone euro à l'avenir.
L'Allemagne, qui met l'accent sur ce point, souhaite des sanctions
plus rapides contre les pays laxistes. "Au final, il devra être
possible à l'avenir de retirer, au moins temporairement, les droits
de vote à un pays qui ne tient pas ses engagements" en matière de
politique monétaire, a souligné ce week-end à nouveau la
chancelière Angela Merkel. En revanche, son idée d'exclusion de
pays de la zone euro a été abandonnée.
Rome s'en prend à Berlin
Le gouvernement italien a lui dénoncé le "retard" pris par
l'Europe pour aider la Grèce, qui est notamment dû selon lui à la
"prudence" de l'Allemagne. "Nous avons respecté la prudence d'un
grand pays comme l'Allemagne, (...) mais pendant ce temps les
dommages ont augmenté car les spéculateurs internationaux ont
travaillé et d'une faiblesse initiale, on est passé à une situation
vraiment insoutenable", a déclaré le ministre des Affaires
étrangères.
Franco Frattini avait déjà dénoncé l'attitude de l'Allemagne la
semaine dernière, se disant "préoccupé" par la "rigidité" de
Berlin.
Le but de l'aide à la Grèce est "le sauvetage de l'euro et donc de
l'un ou l'autre pays (européen): c'est un élément important qui n'a
pas été compris tout de suite par tous, certains pays ont eu du mal
et la décision a été prise avec un grave retard", a renchéri Gianni
Letta, sous-secrétaire à la présidence du Conseil et bras-droit du
chef du gouvernement Silvio Berlusconi.
Une retard pour lequel l'Italie "ne porte aucune responsabilité",
a-t-il assuré, ajoutant que le Premier ministre grec Georges
Papandréou avait appelé Silvio Berlusconi pour le "remercier" car
"l'Italie a été la première en Europe à soutenir une intervention
en faveur de la Grèce".
afp/jeh
Les contributions par pays et organisations
- Le FMI doit fournir 30 milliards d'euros supplémentaires sur trois ans.
- ALLEMAGNE: 22,4 milliards d'euros dont 8,4 milliards la première année
- FRANCE: 16,8 milliards d'euros dont 6,3 milliards la première année
- ITALIE: 14,7 milliards d'euros dont 5,5 milliards la première année
- ESPAGNE: 9,79 milliards d'euros dont 3,67 milliards la première année
- PAYS-BAS: 4,8 milliards dont environ 1,8 milliard d'euros la première année
- BELGIQUE: environ 3 milliards d'euros dont 1 milliard la première année
- PORTUGAL: 2,06 milliards dont environ 775 millions d'euros la première année
Ces chiffres ont été fournis par les pays eux-mêmes ou, dans le cas de l'Italie, calculés sur la base du pourcentage détenu par les membres de la zone euro dans le capital de la Banque centrale européenne au 1er janvier 2009.
La BCE soutient Athènes sans condition
La Banque centrale européenne a elle annoncé lundi qu'elle allait accepter les titres de dette grecque en garantie de ses prêts, quelle que soit leur notation financière, une mesure inédite qui devrait soulager la Grèce et les banques de la zone euro.
La BCE a levé "jusqu'à nouvel ordre" toute condition relative à la notation de crédit pour les titres de dette grecs qu'elle accepte en contrepartie de prêts, dits "collatéraux", a-t-elle annoncé dans un communiqué.
Les collatéraux sont les titres de dette que les banques de la zone euro fournissent à la Banque centrale européenne en échange de leur refinancement.
Cette suspension est une première dans l'histoire de l'institution de Francfort.
La BCE a pris cette mesure en considération des mesures d'économies décidées par la Grèce.
En janvier, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, avait exclu tout assouplissement de ses règles sur les collatéraux pour aider un pays en particulier.
Depuis le début de la crise financière, la banque centrale avait toutefois déjà revu ses règles, mais pour l'ensemble de la zone euro.