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Des villes romandes se lancent dans le téléphone

Les carnavals battent leur plein, le FC Sion boit la tasse
Un abonnement pour internet, le téléphone et la TV: le triple-play.
La prochaine arrivée de la télévision par le téléphone remue les collectivités publiques en Suisse romande. Alors que Genève pourrait vendre son téléréseau, Lausanne et le Valais prennent leur destin en mains.

La ville de Lausanne vient de reprendre la commercialisation de l'internet par le câble jusqu'alors confiée en partie à deux entreprises privées. La cité olympique va aussi se lancer dans la téléphonie.

Pour la ville de Lausanne, l'enjeu est de taille puisque 75'000
foyers visionnent actuellement leurs programmes de TV par le biais
des infrastructures régulièrement modernisées par la ville.
L'arrivée prochaine de l'offre triple-play de Swisscom,
c'est-à-dire la TV, le téléphone et internet dans un seul
abonnement, pourrait pousser un certain nombre d'abonnés à choisir
ce produit concurrent.

Nouvelles offres

Pour répondre à cette future menace et pour faire des économies,
la ville de Lausanne compte revoir rapidement son offre multimédia
et proposer elle aussi le très stratégique triple-play. Dans un
premier temps, elle a choisi de reprendre complètement la main sur
son réseau internet qu'elle exploitait en collaboration avec VTX et
Urbanet, filiale de Cablecom, premier câblo-opérateur du
pays.



En 2006, elle espère déployer une solution de téléphonie par IP
par le câble. Pour lancer cette nouvelle prestation et pour
poursuivre la modernisation de son réseau, la Municipalité vient de
solliciter un crédit de 4,7 millions de francs, après avoir investi
environ 500'000 francs pour son secteur internet.

Potentiel d'économies

La responsable du Service industriel de la ville de Lausanne,
Eliane Rey, explique que cette réorganisation devrait permettre à
la ville d'économiser pas loin de 500'000 francs par an. La
libérale estime que ce choix stratégique offrira la meilleure
prestation qualité prix aux contribuables qui ont financé le réseau
municipal.



Même son de cloche en Valais. René Murisier, directeur de Télédis,
une société en mains publiques chargée de la commercialisation de
la TV, de l'internet dans de nombreuses villes valaisannes, dont
Monthey, compte aussi fournir le téléphone à ses abonnés dans la
première moitié de 2006.



Pour y parvenir, les différents téléréseaux valaisans, dont
Télédis, se sont réunis pour constituer un opérateur téléphonique
qui pourrait à terme intéresser 85'000 clients. Après avoir procédé
à différents tests techniques, les reponsables de ces téléréseaux
ont choisi une société française pour se lancer dans l'aventure. Ce
choix leur permet de rester indépendant et de ne pas tomber dans le
giron du géant Cablecom qui compte environ 1,5 million d'abonnés en
Suisse.

Rentable en cinq ans

René Murisier estime que cette stratégie doit être rentabilisée
dans les cinq ans, même si elle implique quelques investissements
au départ. Tant en Valais qu'à Lausanne on ne redoute pas les
prochaines évolutions technologiques, comme l'internet à très haut
débit ou le développement de la video on demand, c'est-à-dire la
possibilité de choisir des vidéos à la carte.



Du côté des fournisseurs d'accès à internet, comme VTX, qui
collaborait jusqu'il y a peu avec la ville de Lausanne, cette
démarche est très critiquée. Pour Francis Cobbi, directeur
technique, ce choix va à l'encontre de tout ce qui se fait en
Europe et dans le monde.

Le cas genevois

A Genève aussi, les choses évoluent rapidement. Le téléréseau de
la ville du bout du lac, qui ne permet pas en l'état actuel de se
connecter à internet, ni de faire de la téléphonie, serait
désormais à vendre. Vétuste, le réseau genevois semblerait avoir
intérêt à s'allier avec un acteur important.



Avant la reprise de Cablecom (qui détient 12,5% de
Télégenève-Naxoo) par le géant américain Liberty, les tractations
étaient même assez avancées. Désormais, les négociations, qui
devaient aboutir d'ici la fin de l'année, devraient prendre
quelques mois de retard et retarde d'autant l'arrivée en force de
Cablecom de ce côté de la Sarine...



Xavier Studer

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Commentaire

Distantes de quelques dizaines de kilomètres, les deux plus grandes villes lémaniques ont choisi des options diamétralement opposées.

Alors que Lausanne (et le Valais) estime qu'il est possible de conserver un réseau public sur le marché de l'information, la cité de Calvin opterait plutôt pour une privatisation de ces services.

Le choix des Genevois peut se justifier par la vétusté de son réseau qui a besoin de plusieurs dizaines de millions de francs d'investissements pour retrouver une nouvelle vie.

Cela dit, sur le fond, ces développements, lorsqu'ils auront abouti, vont relancer une ancienne question: celle du monopole de Swisscom sur le dernier kilomètre du réseau téléphonique.

Dès que les Genevois, les Lausannois et les Valaisans pourront téléphoner par le câble de la TV, ce réseau concurrencera frontalement celui de Swisscom, qui doit déjà subir les assauts de Cablecom, seul acteur à proposer du triple-play en Suisse.

Dans quelle mesure l'argumentation actuelle en faveur d'une libéralisation du dernier kilomètre pourra-t-elle encore être défendue, dès lors qu'une grande partie des Suisses pourront choisir une alternative à l'opérateur historique?

Xavier Studer