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Habemus Morettim!

bande-annonce d'habemus papam de Nanni Moretti
Habemus Papam, la bande-annonce / Info en vidéos / 55 sec. / le 13 mai 2011
Cinq ans après s'en être pris à Silvio Berlusconi, Nanni Moretti s'attaque cette fois à un autre pontife, souverain celui-là: le pape. Avec l'humour et l'ironie qu'on lui connaît, le cinéaste italien invente un pape fraîchement élu qui fuit devant le fardeau qui l'attend. Avec dans le rôle de Sa Sainteté, un Michel Piccoli qu'on croirait né pour ce rôle!

Cinq ans qu’on l’attendait, Nanni Moretti. Cinq ans après le curieux "Il Caimano" ("Le Caïman") où il croquait Silvio Berlusconi, Nanni s’en prend à plus gros gibier: le pape. Idée gonflée et saugrenue, culottée et ambitieuse. Le récit s’attache à un moment précis de la papauté: la mort du souverain pontife suivie de l’élection de son successeur.

Pourvu que ce ne soit pas moi

Une scène d’anthologie ouvre le film. Les cardinaux réunis commencent à voter pour choisir leur nouveau pape (lire ci-contre). Nanni Moretti pose alors une question que personne, peut-être, ne s’est jamais posée: à quoi pensent les papables ? Les 185 cardinaux tout de rouge vêtus, bien raides et sagement assis s’observent, tentent de guigner sur le voisin. On croirait une petite classe. Mais soudain, une supplique d’abord murmurée enfle jusqu’à devenir assourdissante: "Seigneur, faites que ce ne soit pas moi". La belle affaire!

On ne peut que se demander si c’est cet effroi qui a tué Jean-Paul 1, ou s’il a traversé l’esprit de ses successeurs. Nanni Moretti essaie toujours d’éviter de raconter au public ce à quoi il s’attend. Le but est ici pleinement atteint avec un humour décapant et caractéristique. Après quelques tours, c’est finalement un outsider qui est désigné: le discret cardinal français Melville (Michel Piccoli, remarquable), un brin hébété par ce qui lui arrive. Il accepte pourtant son élection. Habemus Papam !

Courage, fuyons !

Arnaché des atours papaux, Melville ne pourra atteindre le balcon pour bénir l’immense foule qui attend, qui l’attend. Crise d’angoisse majeure. Le pape a besoin de réflexion. Le film entame alors un tournant plus psychologique, mais sans tomber dans la lourdeur qui pourrait le guetter. Nanni Moretti instille son humour au Vatican. Psychiatre, il est convoqué pour soigné le malaise existentiel du pape que les cardinaux imaginent passager. Ne pouvant travailler correctement car interdit de conversation en tête à tête, il conseille son ex-femme elle aussi psychologue. A l’occasion de la visite secrète qu’on lui organise à son cabinet, le pape prend la poudre d’escampette.

Liberté et enfermement

Comédie et drame, grotesque et réalisme, liberté et enfermement. A partir de la fuite du pape, le film se construit symétriquement, alternant l’errance du pape dans Rome durant laquelle il découvre les vrais gens, leurs vrais problèmes et leur vraie vie. Les autres, cardinaux et psychiatre, sont enfermés au Vatican tant que le pape n’est pas apparu au balcon, scellant ainsi son nouveau rôle.

De très jolies rencontres, de poétiques aveux introspectifs émaillent l’errance et les rencontres du pape. Michel Piccoli est tout en douceur, campe ce personnage avec une grande justesse; il ne fait presque rien. L’acteur est parfaitement adéquat. Le pape, lui, se juge inadéquat. A la recherche de sa véritable personnalité, de ses désirs enfouis, il est incroyablement attachant. C’est la psychiatre qui déclenche cette quête du temps perdu en lui suggérant qu’il a souffert enfant de déficience de soins.

Un tournoi de volley à la Basilique

Dans la prison vaticane en revanche, Nanni Moretti s’enferme quelque peu dans son propre piège. Le psychiatre pérore - des moments de grande et subtile drôlerie tout de même – organise un tournoi de volley. Bref, du Nanni Moretti tout craché qui souffre de la comparaison sensible de l’histoire déroulée en parallèle.

Il ne s’agirait toutefois pas de bouder son plaisir. Le film est porté par une cinématographie remarquable, une idée formidable. La surprise réside également dans le fait que Nanni Moretti tisse son histoire vaticane avec et non pas contre, comme il fait généralement avec la politique.

Habemus Morettim!

De Cannes, Laurence Mermoud

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Mini traité de papauté pour les nuls

A la mort du pape, les cardinaux du monde entier sont rassemblés et résident à huis-clos à proximité de la Basilique. Deuil, prières durant neuf jours, puis c’est l’inhumation.

Dès lors, les cardinaux peuvent se préparer à voter pour l’un d’eux afin qu’il soit désigné pape. Un moment difficile: les cardinaux vivent enfermés et ne peuvent avoir aucun contact avec l’extérieur. Il en demeure ainsi jusqu’à ce qu’un nom obtienne la majorité.

Chaque jour, les bulletins sont brûlés. Si la fumée est noire, personne n’a été désigné. Si elle est blanche et que les cloches sonnent, habemus papam. On ajoute évidemment un produit chimique pour colorer les volutes.