L'effet Fukushima a atteint la Suisse romande. Quelques semaines après l'accident nucléaire de la centrale japonaise et à six mois des élections fédérales, le sondage commandé par la Radio Télévision Suisse (RTS) à l'institut M.I.S Trend révèle que la protection de l'environnement et l'écologie sont considérées comme des préoccupations primordiales par 37% des Romands. Ils se disent non seulement préoccupés, mais aussi «directement touchés» par cette problématique, à l'instar de cette Vaudoise qui a participé à l'étude: «On garde des centrales nucléaires, alors que les déchets qui en sortent vont être nocifs pendant des milliers d'années. C'est le plus grand problème, car il est question de la planète que l'on va laisser à nos enfants!»
Suivent les thèmes liés à l'école et à la formation (28%), au système de santé (25%), au coût de la vie (19%), à la retraite et aux assurances sociales (18%), ainsi qu'à la criminalité et à l'insécurité (18%). «Ces domaines arrivent en tête des préoccupations dans la mesure où ce sont des sujets qui font débat dans le public en ce moment et qui touchent le plus souvent concrètement les gens, dans leur quotidien», explique Christoph Müller, directeur général de M.I.S Trend.
Mais les Romands ne sont pas pour autant pessimistes sur la question environnementale: 66% des sondés préoccupés par l'écologie pensent que la situation va s'améliorer dans les dix prochaines années. Est-ce paradoxal? «Non, répond Christoph Müller. Ce thème est à l'agenda de tous les partis politiques. Si les citoyens l'estiment important, ils pensent aussi que les autorités et les politiques s'en occupent et envisagent des solutions concrètes.»
Le chômage en queue de classement
En queue de ce classement de 16 thèmes (voir liste et graphiques ci-contre) figurent la place de la Suisse dans le monde (8%), le chômage (7%) et l'Administration et les institutions (4%). Pourtant dans l'air du temps, les thématiques du chômage, de la criminalité (6e, 18%), de la politique familiale (8e, 16%) ou du logement (9e, 14%) n'apparaissent pas dans le peloton de tête des préoccupations des Romands. «Ce sont des domaines qu'ils jugent importants, analyse Christoph Müller. Mais ils ne touchent personnellement et concrètement qu'une partie réduite de la population romande: ceux qui sont effectivement à la recherche d'un logement ou d'un emploi, par exemple.»
Des causes terre à terre
A la question de définir les motivations qui poussent les Romands à mettre la protection de l'environnement en tête de leurs préoccupations, l'effet Fukushima se confirme: les risques liés à l'énergie nucléaire constituent 23% des causes d'inquiétude pour cette thématique, talonnés par le réchauffement climatique (22%), les effets de la pollution sur la santé (21%), la pénurie d'énergie à moyen terme (20%) et, plus loin, le bétonnage du paysage (10%).
Dans le domaine de l'éducation, «les parents doivent mieux assumer leurs responsabilités parentales et ne pas tout déléguer à l’école», fait remarquer un sondé. «Les jeunes manquent de respect, ils sont plus agressifs qu'avant, plus fainéants aussi; ils croient que tout leur est dû», lâche un autre. S'ils sont fortement préoccupés par les questions de formation, c'est pour près d'un tiers d'entre eux en raison de la mauvaise éducation des jeunes (29%), puis des réformes scolaires à répétition (25%), du faible niveau d'instruction des élèves qui leur complique la recherche d'une place d'apprentissage (17%) et d'enseignants moins compétents ou motivés (11%).
Affinités politiques différentes, préoccupations presque similaires
L'analyse des résultats du sondage montre de manière générale que l'appartenance politique a un impact limité sur l'ordre des préoccupations. Que l'on soit de droite, du centre, de gauche ou sans affinités politiques particulières, les priorités premières et concernantes sont les mêmes: école, système de santé, écologie. «Quand un problème nous touche de près, les couleurs politiques ont tendance à s'effacer», explique Christoph Müller. L'expert note toutefois ci ou là des écarts plus marqués, comme lorsqu'il est question d'école: «Les personnes interrogées se disant «apolitiques» sont par exemple 45% à placer l'école au sommet de leurs préoccupations; ce taux grimpe à hauteur de 60% chez les personnes se revendiquant de gauche ou de droite. Cela s'explique par le fait que la formation constitue un thème politique clair et assez controversé.»
Optimistes, les Romands?
Après avoir fait part de leurs préoccupations, comment les Romands voient-ils évoluer les sujets qu'ils jugent importants? «Ils se montrent pessimistes sur de nombreux thèmes liés principalement à des craintes d'ordre matériel, souligne Marie-Hélène Miauton, présidente de M.I.S Trend.» Cette «peur de manquer de ressources» est nette: pour 52% des sondés, tout ce qui touche au coût de la vie par exemple évoluera de façon négative, contre 24% qui envisagent une stabilité et 10% une amélioration dans ce secteur. La retraite et les assurances sociales figurent en 2e position (respectivement 50%, 22% et 14%), suivies des inégalités sociales (46%, 25%, 12%) et du chômage (40%, 26%, 19%).
Tout n'est pas que sinistrose, relève enfin le sondage. Outre l'environnement, l'école et la formation, ainsi que les transports suscitent aussi l'optimisme chez 46% des sondés. Peu surprenant, selon Christoph Müller, dans la mesure où de nombreux projets sont en cours dans ces secteurs en Suisse romande.
Guillaume Arbex
Objectifs et méthodologie de l'enquête
Comprendre ce qui préoccupe réellement les Romands, à la fois sur le plan collectif et individuel: tel est l’objet de cette grande enquête lancée par la Radio Télévision Suisse (RTS) avec l’institut M.I.S Trend. L'objectif était d'appréhender, au-delà de l’évocation habituelle des thèmes (environnement, coûts de la santé, chômage…), de quoi sont faites les inquiétudes des habitants de notre région, de manière tout à fait concrète. Une approche permettant de déjouer un certain nombre d’idées reçues.
L'enquête, réalisée auprès d'un échantillon représentatif de 1008 Romands ayant le droit de vote au niveau national, a été menée en deux phases distinctes.
Une première phase, dite qualitative, a été menée fin mars, rassemblant durant plus de trois heures quatre groupes d'une douzaine de personnes selon leurs affinités politiques: droite, centre-droit, gauche et écologistes, ainsi qu'un groupe d'«apolitiques». Le but: laisser s'exprimer librement les individus afin de dégager la liste des 16 thèmes qui les préoccupent et d'établir le questionnaire.
La seconde phase, dite quantitative, s'est déroulée jusque toute fin avril, consistait en un entretien téléphonique approfondi auprès des 1008 personnes sélectionnées.
La marge d'erreur est de +/-3,1% au maximum.
Les 16 thèmes de préoccupation (du plus concernant au moins concernant)
1. La protection de l'environnement, l'écologie
2. La formation, l'école
3. Le système de santé (les prestations, les coûts)
4. Le coût de la vie (prix élevés, salaires bas)
5. La retraite, les assurances sociales
6. La criminalité, l'insécurité
7. Les transports, les infrastructures
8. La politique familiale, la vie en famille
9. Le logement (coût, pénurie, etc.)
10. Les inégalités entre les couches sociales
11. La pression et le stress au travail
12. L'état de l'économie
13. Les étrangers, l'immigration, l'intégration
14. La Suisse dans le monde
15. Le chômage
16. L'Administration et les institutions