Pourquoi la question des rapports entre argent et politique est-elle d’actualité?
Le débat autour du financement de la vie politique n’est pas nouveau. Le thème de transparence, en particulier, réapparait régulièrement depuis les années septante. La gauche en a fait à Berne un cheval de bataille. Mais ses propositions n’ont jamais réussi à réunir une majorité.
Ce qui est nouveau, c’est la multiplication, depuis quelques temps, des idées de réformes de la part de représentants des partis bourgeois. La question de l’argent prend un relief particulier en année d'élections fédérales. 2011 pourrait bien marquer un record en matière de dépenses, pour les partis et les candidats.
La Suisse est-elle un cas particulier?
Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, il n’y a jamais eu en Suisse de grand scandale autour du financement de la politique. Pour une raison très simple : il n’y a, sur le plan fédéral, pratiquement pas de règles en la matière. Impossible de détourner… ce qui n’existe pas.
En France, en Allemagne, aux Etats-Unis, et dans de nombreux autres pays, ces dernières décennies ont vu la mise en place de dispositifs pour encadrer le rôle de l’argent en politique. Que ce soit en matière de transparence, d’aides publiques, de restriction du financement privé. En Suisse, on s’en tient à une grande liberté des acteurs politiques et à une intervention limitée de l’Etat.
En 2007, à l’issue des dernières élections fédérales, l’OSCE avait pointé du doigt un manque de transparence et recommandé l’adoption d’une obligation, pour les partis et les associations politiques, de révéler leurs sources de financement et leurs dépenses.
Pour faire de la politique, les partis, les candidats ont besoin d’argent. D’où vient-il?
De sources privées, essentiellement. Sur le plan fédéral, le seul financement public se fait de manière très indirecte: c’est la contribution au frais de fonctionnement des groupes parlementaires aux Chambres fédérales. Elle a été augmentée de 50% en 2009 : un montant de base de 144’ 500 francs, plus 26'800 francs par député.
Seul le canton de Genève prévoit, depuis peu, un financement de base pour les partis. Chaque formation représentée au Grand Conseil va recevoir chaque année 100'000 francs, plus 7000 francs par élu. A Genève toujours, les partis touchent une contribution de l’Etat pour leurs frais de campagnes électorales (au maximum 10'000 francs). Le canton de Fribourg rembourse lui aussi une partie des dépenses des partis, suite aux élections. La manne est répartie en fonction des résultats.
A mentionner encore: les déductions fiscales pour les versements aux partis politiques. C’est finalement une forme indirecte de financement public. Depuis le 1er janvier, les personnes physiques et morales peuvent déduire au maximum 10'000 francs par an de leur déclaration d’impôt fédéral. Sur le plan cantonal, ce plafond peut varier. Genève vient décider de le fixer également à 10'000 francs.
Y a-t-il des limites aux dépenses politiques en Suisse?
Non. Les acteurs du débat politique peuvent dépenser autant qu’ils le souhaitent, quand ils le souhaitent, où ils le souhaitent. Il y a bien eu des tentatives de fixer des plafonds aux frais de campagne électorales, avec des projets de loi à Genève et au Tessin. Mais aucune n’a abouti.
La question de la transparence a fait l’objet de beaucoup de débats, ces dernières années. A Berne, la gauche a multiplié les interventions parlementaires sur ce thème, mais sans jamais parvenir à dégager une majorité. Là aussi, c’est Genève qui se distingue, en imposant aux partis toute une série d’exigences en la matière.
Les formations genevoises ont l’obligation de soumettre chaque année leurs comptes et la liste complète de leurs donateurs. Les versements anonymes ou sous pseudonyme sont interdits. Autre canton à avoir légiféré sur la transparence: le Tessin. On y publie dans la Feuille officielle les dons aux partis qui dépassent les 10'000 francs et l’identité des bienfaiteurs. Même obligation pour les candidats aux élections cantonales, dès que les montants dépassent 5'000 francs.
Pierre Gobet, chef de la rubrique Politique