En matière d'immigration, le Conseil fédéral cache au peuple une vérité qui dérange. C'est l'"amère conclusion" à laquelle est parvenue la "Table ronde Politique de migration 2030", révèle la SonntagsZeitung du jour. Ce groupe de travail réunit, depuis un an et demi, des parlementaires des principaux partis du pays. Il arrive à la conclusion que le pays n'échappera pas aux conséquences du choix de politique d'immigration qu'il fera: soit les citoyens se font à l'idée d'une population de 9 millions d'habitants en 2030 en contrepartie de la prospérité économique; soit ils optent pour le scénario de l'UDC - renégociation des accords de libre-circulation - qui entraînera un affaiblissement de la croissance économique et une pression sur les assurances sociales.
Pas de stratégie fédérale
Dit de manière abrupte, le souverain a le choix entre surpopulation et stagnation économique, entre baisse de compétitivité et augmentation massive du prix du terrain accompagnée de problèmes d'infrastructures. Ces conclusions diffèrent singulièrement de celles de l'Office fédéral des migrations, note la SonntagsZeitung, alors même que la table ronde réunit tout le spectre politique et au-delà. Née de l'initiative de la conseillère nationale libérale-radicale Doris Fiala, elle comprend trois autres conseillers nationaux, le démocrate-chrétien Gerhard Pfister, le socialiste Andy Tschümperlin et le démocrate du centre Felix Müri. Le groupe de travail accueille également des représentants des syndicats d'employés et des syndicats patronaux, la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, la Croix-Rouge ou Caritas.
Eduard Gnesa, ambassadeur extraordinaire chargé de la collaboration internationale en matière de migrations aux Affaires étrangères, a participé aux travaux avec la neutralité politique que tous lui reconnaissent, tandis qu'Alberto Achermann, professeur ès droit des migrations à l'Université de Berne a co-rédigé le rapport final. Serait-ce enfin le début d'une approche globale et raisonnée de la question? "Durant la crise financière, j'ai constaté que la Suisse n'avait arrêté, en matière de sécurité ou de politique extérieure, aucune stratégie digne de ce nom", conclut allusivement Doris Fiala - qui appartient par ailleurs à la Délégation suisse auprès du Conseil de l’Europe et y préside la sous-commission des réfugiés.
Pascal Praplan