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Élections fédérales 2011: les Verts à l'interview

Ueli Leuenberger. [Lukas Lehmann]
Ueli Leuenberger, président depuis 2008 des Verts Suisses, doit passer la main au printemps prochain. - [Lukas Lehmann]
Ueli Leuenberger, conseiller national genevois et président des Verts suisses depuis 2008, présente les objectifs de son parti. Un parti qui avait réalisé une avancée spectaculaire en 2007 et qui vise désormais une entrée au Conseil fédéral en décembre prochain.

Vous avez pour slogan "Les Verts ont une longueur d'avance",  alors que les autres partis mettent en avant la Suisse. N’êtes-vous donc pas patriotes?

Ueli Leuenberger:  si les autres partis mettent en avant leur patriotisme, c'est surtout pour singer l’UDC. Nous n’avons pas besoin de ce genre de racolage. La Suisse appartient à tout le monde. Nous avons choisi notre thème car, dans toute une série de problèmes comme le nucléaire et l'énergie, personne ne peut nier que les Verts, tant dans leurs analyses que dans leurs actions, ont réellement une ou plusieurs longueurs d'avance.

Mais tous les autres partis, sauf l’UDC, ont mis de l’écologie dans leur programme et le Conseil fédéral veut sortir du nucléaire. En quoi votre parti se justifie-t-il encore ?

Je suis le premier heureux que le Conseil fédéral envisage de ne plus construire de centrales nucléaires. Mais si la date de 2034 a été avancée, il n’y a aucun agenda réellement clair pour l’arrêt des centrales. Le seul vient des Verts qui prônent notamment, via une initiative, qu'en 2029 la dernière centrale soit arrêtée.  Quant aux autres partis, tous ont mis de l’écologie dans leur programme il y a 4 ans déjà. Mais aucun n’a tenu ses promesses durant cette législature. C’est l’accident de Fukushima  qui a permis à la droite de réviser son jugement.  Pourtant, quand il s’agit de se donner les moyens d’une économie plus verte, il n’y a jamais de majorité au Parlement. Seuls les Verts ont une ligne de conduite claire en prônant le développement durable, soit un équilibre entre l’économie, le social et l'écologie.

Vous visez 3 sièges de plus au National et deux fauteuils supplémentaires aux États. Où et au détriment de qui ?

Au détriment de ceux qui sont le moins acquis à notre cause, soit l’UDC et le PLR! Au National, si nous avons pour l’instant quelques soucis à Neuchâtel et Bâle-Ville, j’espère gagner un siège de plus à Genève, voire en Argovie et en Thurgovie. J’espère aussi que la députée Greta Gysin créera la surprise au Tessin. Enfin en Valais, c’est Marylène Volpi qui a beaucoup de potentiel.  Quant aux États, je vise un siège supplémentaire à Berne avec Alec von Graffenried, et un autre à Schaffhouse avec l’ex-conseiller d’Etat Herbert Buehl.

L’environnement est l’une des principales préoccupations des Suisses. Pourtant, selon les sondages, vous n’aurez qu'environ 10% des voix. Pourquoi ?

Nous sommes en Suisse et il n’y a jamais de bouleversements spectaculaires en politique. Mais la campagne ne fait que commencer si l'on ne tient pas compte de l’UDC, en campagne permanente depuis 4 ans. En outre, l’argent tient un grand rôle. Donnez-moi un million de francs et les Verts auront immédiatement 2 à 3% de voix de plus! C’est très difficile d’être suffisamment visible quand financièrement vous ne pouvez pas placer, même un seul jour, une annonce ou une affiche dans tout le pays.  Nous devons mener une campagne avec 110'000 francs au niveau national, c'est très peu. Certes on n’achète pas les électeurs mais, avec notre budget, nous ne pourrons jamais avoir la visibilité de l'UDC qui investit des sommes énormes.

Les jeunes, qui forment une bonne partie de votre électorat, se disent surtout préoccupés, selon un récent sondage, par l’immigration, un thème cher à l’UDC. Votre réaction?

Quand un parti fait continuellement de la propagande à coup de millions contre l’immigration et la stigmatisation de l’étranger, avec la complicité d'une certaine presse de boulevard, cela influence forcément les gens. Or le gouvernement et les autorités ont le grand défaut de ne jamais parler clairement à la population. Quelle est réellement la situation de l'immigration en Suisse? Pourquoi les étrangers sont-ils là et dans quel secteur se situent-ils? Qui les a fait venir?  L’UDC interprète les statistiques comme cela l’arrange et plus personne ne réagit, même pas le gouvernement. Pire encore: le PLR et une partie du PDC reprennent les thèses de l’UDC de peur de perdre des électeurs. Mais heureusement les jeunes opposés à la xénophobie votent vert!

Selon vous, où la Confédération doit-elle investir et où doit-elle réduire ses dépenses ?

Il est clair qu'il faut investir actuellement dans les énergies renouvelables et la recherche d’une meilleure efficacité énergétique. C’est un investissement pour l’avenir qui créera non seulement des places de travail, de l’universitaire à l’ouvrier, mais qui permettra aussi d’économiser des ressources.  La Suisse a un endettement très bas. Pourquoi ne pas l'accroître de 1-2% pour financer ce domaine?  Et s’il faut économiser, faisons-le au niveau de l’armée. Une armée où le chaos est total, dont les objectifs ne sont pas clairs et qui réclame des effectifs et des avions supplémentaires très chers.  Ce n’est pas le moment de donner de l'argent à une armée qui n’a pas défini ses tâches et qui ne sait pas où elle va.

Depuis 2007, un nouveau parti a fait son apparition : les Vert’libéraux. Une concurrence pour vous ?

Avec les Vert’libéraux, nous partageons en partie nos opinions en matière d’environnement. Mais pas complètement. Ainsi ils proposent une sortie du nucléaire en 2045 seulement. Pour nous, c’est beaucoup trop tard. C'est exposer trop longtemps encore la population au risque de l'atome.  Et cela n’accélère pas la révolution énergétique. Il faut que les électeurs soient conscients de ces divergences. Mais s’ils votent pour les Vert’libéraux, car ils en ont assez du PLR et des autres formations de droite qui ne font pas grand-chose  pour l’environnement depuis longtemps et qu’ils ne sont pas encore prêts à voter pour nous, alors je n'ai rien contre.

Vous allez lancer un candidat dans la course au Conseil fédéral en décembre. N’est-ce pas utopiste avec seulement 10% des voix?

Pour changer les choses dans un pays, il faut aussi faire partie du gouvernement et nous avons des candidats de grande valeur. J’espère bien sûr que celui que nous présenterons prenne la place d’un libéral-radical mais surtout d'un UDC. Si ce parti continue de se comporter comme il le fait aujourd'hui, menant une campagne haineuse après l’autre pour diviser le pays, et crachant sur nos institutions tout en stigmatisant les citoyens, j’estime que cela lui ferait le plus grand bien de ne plus être au gouvernement pendant un certain temps.

N’est-ce pas un déni de démocratie dans la mesure où ce parti est sans doute celui qui récoltera le plus de voix en octobre?

Mais pourquoi? Si une majorité du Parlement se donne un gouvernement comme cela se passe dans tous les pays démocratiques, je ne vois pas où est le problème. Il existe des coalitions. Chez nous, ce serait alors par exemple aux Verts de s’entendre avec le PS, le PDC, le PLR, le PBD et les Verts’libéraux. Il n’y a donc pas déni de démocratie. Quant à la concordance, elle ne doit pas être que mathématique! C’est d’abord un engagement des forces politiques à s’entendre pour résoudre les problèmes du pays. Aujourd'hui, l’UDC ne cherche absolument pas à résoudre les problèmes. Au contraire, elle risque d’en rajouter, en voulant casser les bilatérales par exemple.

Quelle sera la position des Verts par rapport à la réélection ou non de la PBD Eveline Widmer-Schlumpf au Conseil fédéral en décembre?

D’abord, les Verts ont décidé de ne plus rien donner gratuitement en politique et nous attendrons les résultats du 23 octobre pour définir notre stratégie en décembre. Mais nous n’avons pas encore décidé de la soutenir. Personnellement, je ne vois pas de véritables raisons pour ne pas la réélire mais cela dépend aussi de l’attitude du PBD envers notre candidature. Notre priorité est qu'il y ait une alliance anti-atomique au Conseil fédéral, une coalition dont fait actuellement partie  Eveline Widmer-Schlumpf.

Propos recueillis par Christine Talos

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Les Verts Suisses en un coup d'oeil

Année de création: 1983

Sections cantonales: dans tous les cantons sauf Obwald

Président : Ueli Leuenberger (depuis 2008)

Principaux thèmes : l’abandon du nucléaire, une économie verte, une politique énergétique respectueuse de l’environnement, le renforcement des institutions sociales, une Suisse ouverte

Nombre d’élus au Parlement en 2007
- National : 20 (+7)
- Etats : 2 (+2)

- Objectifs 2011 : dépasser les 10%, gagner 3 sièges au National et 2 aux Etats

Score obtenu en 2007 : 9,6%

Intentions de vote: 10,1% (sondage SSR du 12 août)