RTS: Même si le front est uni contre l'initiative en Valais, le "oui" semble l'emporter dans le pays selon un récent sondage. Alors quels sont vos arguments pour convaincre hors de votre canton?
Jean-Michel Cina: Avec la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, les cantons et les communes ont déjà l'obligation, jusqu'au 1er juillet 2014, de prévoir des mesures pour maîtriser le développement des résidences secondaires et favoriser la création de lits marchands. Nous n'avons par ailleurs pas attendu pour travailler sur ce sujet. Les communes du Haut-plateau ont par exemple adopté un contingentement des nouvelles surfaces habitables. Elles ont aussi prévu des quotas de résidences secondaires. Par conséquent, l'initiative arrive alors que des mesures ont été prises et que le travail se poursuit. Sa rigueur est de surcroît problématique, puisque limiter à 20% les résidences secondaires par commune correspondrait à un blocage complet du développement des destinations touristiques. C'est comme si l'on arrêtait le développement des agglomérations de Genève, Lausanne, Berne ou Zurich.
Vous craignez que le secteur de la construction soit pénalisé. Mais où se trouve l'équilibre entre construction et préservation du paysage?
Il y a une restriction au développement à travers les zones à bâtir qui sont à disposition. Et nous mettons aussi en place des initiatives pour revaloriser le bâti existant...
...C'est quand même un aveu qu'il y a moins de place. D'où l'utilité de cette initiative.
Nous avons plutôt besoin d'un développement maîtrisé grâce à des mesures adaptées et un master plan de l'hébergement touristique, comme nous le prévoyons entre cantons et communes. Nous avons donc en priorité besoin d'une caisse à outils pour valoriser l'existant - notamment dans l'optique de lutter contre les volets clos - et maîtriser le développement de nouvelles résidences secondaires. Or nous sommes actuellement en train de mettre en place cette stratégie.
Justement, vous souhaitez revaloriser l'existant tandis que l'initiative laisse une marge pour l'hôtellerie. Il y aurait donc quand même un report de la construction sur ces secteurs...
Mais cette mesure est tellement rigide et contraignante qu'elle bloquerait même le développement de nouvelles formes d'hébergement touristique dont nous avons besoin. Il faut savoir que certains clients cherchent à se loger dans des appartements et pas dans des hôtels. L'initiative rend impossible d'intervenir dans un marché qui est quand même ouvert, parce que le droit à la propriété existe.
Vous condamnez une atteinte au fédéralisme. Quel mal y a-t-il à fixer une règle générale?
Je rappelle quand même l'existence en Suisse des principes de subsidiarité et d'autonomie cantonale. Nous souhaitons donc maîtriser ces questions par nos propres instruments et nos propres choix. Dans l'autre sens, ce n'est pas le Valais qui va décider du développement de Genève!
Pourquoi craignez-vous des répercussions sur le tourisme? Les paysages préservés sont également un atout qui favorise le secteur.
Parce que vous ne pouvez pas imposer un type d'hébergement aux clients. D'autre part, il faut savoir que les propriétaires de résidences secondaires sont précieux. Cette clientèle est attachée à une région et se déplace aussi quand il y a une baisse conjoncturelle. Donc si le client n'a pas le choix, nous risquons de le perdre alors que nous sommes déjà sous la pression du franc fort et de la comparaison des prix avec d'autres destinations. Nous risquons ainsi de créer des difficultés supplémentaires pour le tourisme suisse!
Vu qu'on parle de concurrence, les partisans de l’initiative prennent l’exemple du Tyrol qui a limité à 8% ses résidences secondaires. Mais aujourd'hui, le secteur touristique en Valais évoque souvent la rude concurrence qu'est le Tyrol pour la Suisse. N’est-ce pas un exemple à suivre?
Le Tyrol a pris ces décisions il y a longtemps et a développé son hôtellerie. Cette région profite aussi de meilleures conditions cadres parce que les salaires, les charges et les produits achetés sont moins chers. Nous ne pouvons donc pas tout bloquer du jour au lendemain et se dire qu'on part dans l’hôtellerie. Nous pouvons donc essayer d’initier ce processus, mais cette orientation doit se faire sur la durée.
A vous entendre, le client dicte les lois même dans l'aménagement du territoire. Mais si on fixe une loi plus rigide, ne va-t-il pas s'adapter?
Je dis simplement que certains clients veulent aller dans des hôtels et que d'autres veulent louer ou acheter des appartements. Je pense aussi que vous pouvez fermer le Valais avec le blocage ferme préconisé par cette initiative. Nous privilégions plutôt une forme de développement durable - un - équilibre entre le social, l'économique et l'environnemental - qui ne freine pas le développement économique des stations.
L'autre constat, à vous écouter, c'est que le Valais est un canton "incompris" auquel on risque d'imposer une solution extérieure... C'est juste?
J'ai l'impression qu'une partie de la Suisse veut préserver des régions pour que ces mêmes gens puissent y passer leurs vacances. Mais il faut en même temps donner des perspectives de développement économique à ces régions, notamment par le tourisme dans un esprit de développement durable et de maîtrise de la croissance. Et là, nous avons encore des responsabilités et je m'investis sur ce sujet en particulier. Nous sommes capables de gérer notre propre destin en Valais et dans les autres régions de Suisse!
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Propos recueillis par Jérôme Zimmermann
Les positions des partis et associations
L'initiative est soutenue par les milieux écologiques, notamment les associations Pro Natura,
WWF ou ATE, qui veulent protéger la nature et les populations locales. Le PS et les Verts défendent aussi le texte.
La droite et les milieux économiques, eux, suivent l'avis du Parlement et du Conseil fédéral, qui recommandent de voter "non".
Ils estiment que des limitations efficaces ont déjà été décidées dans le cadre de la révision de la loi sur l'aménagement du territoire.