L'Ukraine enquête sur des désertions et abus de pouvoir au sein d'une brigade formée en France
La brigade fait l'objet d'une controverse depuis son retour le mois dernier de France, où ont été formés 2300 des 4500 soldats qui la composent. Selon le journaliste ukrainien Iouri Boutoussov, près de 1700 soldats de la brigade ont déserté, pour la plupart avant même que leur unité ne soit déployée sur le front, et 50 durant la formation en France.
Dans un long message sur Facebook, il a accusé mardi le commandement militaire ukrainien d'avoir failli à la formation initiale de la brigade, qui s'est déroulée dans un "chaos organisationnel complet" et d'avoir envoyé ses soldats dans d'autres unités pour y "colmater les trous" en termes d'effectifs.
Problèmes liés au manque d'équipement
Selon lui, ce qu'il restait de la brigade a été envoyé notamment à Pokrovsk, l'un des secteurs les plus "chauds" du front Est, tandis que son commandant a été démis de ses fonctions, ainsi que plusieurs de ses subalternes. "Il estime que les soldats n’étaient absolument pas prêts à des combats d’une telle intensité", relève le journaliste Stéphane Siohan, correspondant de la RTS en Ukraine, samedi dans l'émission Forum.
Stéphane Siohan s’est lui-même entretenu avec un volontaire en Ukraine qui évoque un taux de mortalité "peut-être le plus élevé parmi les brigades actuellement engagées en Ukraine".
Selon le journaliste ukrainien Iouri Boutoussov, la brigade n'a pas été équipée en drones ni en équipement de brouillage électronique, des outils devenus essentiels pour les unités militaires dans cette guerre.
"A cause de cette attitude criminelle envers la vie des soldats, la 155ème brigade a subi des pertes importantes dès les premiers jours", a-t-il accusé.
"Abandons volontaires"
Les problèmes organisationnels sont également pointés du doigt. Alors que la moitié de la brigade était en formation en France, l’autre moitié a été recrutée et formée en Ukraine. "Les soldats formés en Ukraine n’ont jamais rencontré leurs commandants formés en France avant d’être envoyés au combat", explique Stéphane Siohan.
Quelque 1700 soldats, soit un tiers de la brigade, ont refusé à un moment donné d’aller au combat
De lourdes pertes sont également à déplorer: plusieurs centaines de morts, sans compter les nombreux blessés. Deux autres brigades ukrainiennes ont dû être envoyées en renfort pour fournir une assistance médicale.
Quant aux désertions, elles relèvent souvent de ce que la loi ukrainienne qualifie "d’abandon volontaire de poste". Cela permet aux soldats de se retirer temporairement pour protester contre leurs conditions de combat. "Quelque 1700 soldats, soit un tiers de la brigade, ont refusé à un moment donné d’aller au combat", précise Stéphane Siohan.
Problèmes déjà dénoncés par le passé
Les problèmes au sein de la brigade "Anne de Kiev" avaient déjà été dénoncés par la députée ukrainienne Mariana Bezougla, connue pour ses critiques virulentes du haut commandement militaire, qui avait évoqué début décembre une "brigade zombie" formée à des fins de "publicité".
Le président français Emmanuel Macron avait rendu visite début octobre aux soldats de la 155ème brigade ukrainienne lors de leur entraînement en France.
La France a cédé à cette brigade 128 véhicules de transport de troupes VAB, 18 chars AMX-10, 18 canons automoteurs Caesar ainsi que des camions, des blindés d'évacuation sanitaire, des postes de tirs de missiles anti-aériens Mistral et antichars Milan.
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Hélène Krähenbühl avec afp