Jérôme Bourdon: les médias israéliens sont "patriotes" mais "ne désinforment pas"
Pour Jérôme Bourdon, le traitement du conflit au Proche-Orient par les médias israéliens n'est "pas exceptionnel". "On soutient la guerre. On soutient l'armée", assure cet historien des médias au micro de l'émission Forum samedi.
Il note toutefois une "petite exception - qui existait déjà avant - de médias indépendants qui se penchent sur la souffrance palestinienne". "C'est amplifié, mais ce n'est pas nouveau", précise le spécialiste des médias.
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"Très faible" mention des Palestiniens
Dans le détail, le ton des médias israéliens n'a pas changé depuis le 7 octobre, assure l'invité de Forum.
C'est clair qu'on ne va pas témoigner de la souffrance des Gazaouis, ça n'intéresse pas. Les médias n'ont pas envie de le faire. Ils pensent qu'une grande partie du public ne l'apprécierait pas
"On reste patriotique. On défend nos soldats. On s'inquiète et on tient le compteur des soldats qui tombent (...) et on rappelle sans arrêt les chiffres des otages (...) libérés et qui restent à libérer."
Jérôme Bourdon estime également que les médias israéliens mentionnent la condition des Gazaouis de manière "très faible". "C'est clair qu'on ne va pas témoigner de la souffrance des Gazaouis, ça n'intéresse pas. Les médias n'ont pas envie de le faire. Ils pensent qu'une grande partie du public ne l'apprécierait pas." Les 20% de citoyens arabes du pays qui montrent de l'intérêt se renseignent via d'autres sources d'informations, précise-t-il.
Selon lui, même si la population israélienne ne lit pas la souffrance des Gazaouis dans les journaux, elle en est quand même consciente. "Mais elle se dit que 'ce n'est pas vraiment notre affaire, les Gazaouis, les Palestiniens ont attiré ce malheur sur eux-mêmes et nous n'en sommes pas vraiment responsables'".
Pas de désinformation
Toutefois, Jérôme Bourdon refuse de parler de désinformation car elle implique une "intention affichée de ne pas informer". "Ca ne se passe pas comme ça", assure-t-il.
On sait qu'il y a beaucoup de souffrance. Le détail, on ne veut pas le connaître et il y a des choses que l'on refuserait de croire
"On ne peut pas parler de désinformation (...) Il y a plutôt un patriotisme général. Ce n'est pas que l'on cache sciemment quelque chose: on sait le nombre de morts. On ne cache rien, mais ça occupe une place tout à fait mineure."
Selon l'invité de Forum, la population israélienne "n'a pas envie d'entendre" que les opérations dans la bande de Gaza se font sans anesthésie, ni de voir des images d'enfants au bord de la famine.
"On sait qu'il y a beaucoup de souffrance. Le détail, on ne veut pas le connaître et il y a des choses que l'on refuserait de croire", résume-t-il.
Propos recueillis par Anne Fournier
Adaptation web: Julie Marty