Carlos Ghosn a été arrêté lundi à la descente de son jet privé à Tokyo. Il est soupçonné d'avoir dissimulé des revenus au fisc japonais entre 2011 et 2015. Le sexagénaire aurait également utilisé des biens de Nissan à des fins personnelles. Il aurait notamment séjourné gratuitement dans plusieurs propriétés de Nissan, aux Pays-Bas et ailleurs.
Son arrestation est l'aboutissement d'une enquête interne de plusieurs mois menée par Nissan, qui a ensuite transmis ses résultats au Ministère public japonais. Un employé de la société aurait notamment fourni des informations à la justice en échange d'une réduction de peine, une procédure dite du plaider-coupable introduite au Japon en juin dernier, et utilisée jusqu'ici une seule fois.
Beaucoup de regrets
Hiroto Saikawa, le patron de Nissan, a dénoncé le côté obscur de Carlos Ghosn, regrettant aussi la concentration d'autant de pouvoir dans les mains d'un seul homme.
Cette situation est extrêmement regrettable, a commenté pour sa part un porte-parole du gouvernement, dans une retenue toute nippone, et sans vouloir commenter le volet judiciaire de l'affaire.
Le ministre de l'Industrie japonais, lui, a souligné la nécessité d'assurer la stabilité de l'alliance des trois marques automobiles, alors que la presse japonaise parlait de la "chute d'un réformateur charismatique".
La chute de Carlos Ghosn entraînait mardi matin celle des actions de Nissan et Mitsubishi: moins 6% à la Bourse de Tokyo, après les 8% cédés par Renault lundi à Paris.
L'avenir de l'empire Renault-Nissan-Mitsubishi en jeu
En conséquence de l'arrestation du PDG, Nissan et Mitsubishi ont annoncé leur intention de démettre Carlos Ghosn de la présidence de leur conseil d'administration. Celui de Renault se réunit jeudi.
Cette affaire qui a fait l'effet d'un séisme pourrait remettre en question la pérennité de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, pourtant numéro 1 du marché mondial depuis l'an dernier. L'atout de cette alliance réside dans sa taille critique, qui permet de fortes synergies, avec 10 millions de voitures vendues par an.
Une alliance reposant sur un homme
Cet ensemble reposait surtout sur un homme. Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile précise dans La Matinale de la RTS que Carlos Ghosn "a su construire cette alliance et la monter sur la première marche du podium". Pour lui, le PDG est "la clé de voûte" de l'alliance, qui est "fragilisée par cette affaire".
L'avenir de cette alliance va dépendre de la capacité à trouver un successeur à Carlos Ghosn, dirigeant au profil atypique, qui avait la légitimité nécessaire côté français, tout en bénéficiant d'un grand respect au Japon pour avoir sauvé Nissan au début des années 2000.
Quant aux conséquences sur les groupes Nissan et Renault, ce dossier pourrait bien redistribuer les cartes. Flavien Neuvy estime qu'il n'y aura pas de "conséquences à court terme sur les ventes", mais qu'il s'agira de voir si les participations de Nissan dans Renault et de Renault dans Nissan évoluent. "Si la répartition capitalistique bouge, cela pourrait avoir des conséquences, mais il est trop tôt pour le dire", souligne le spécialiste.
Nissan s'est voulu rassurant: "Cette affaire n'est pas de nature à affecter l'alliance", a promis le groupe hier.
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Un coup de tonnerre en France
Carlos Ghosn peut-il rester le PDG de Renault? Les syndicats français sont vent debout. "On est surpris qu'il n'ait pas encore eu assez d'argent", s'indigne-t-on à la CGT. La direction du groupe comme le gouvernement jouent la prudence. Un conseil d'administration sera réuni au plus vite.
Emmanuel Macron a promis d'être vigilant sur la stabilité de l'alliance et indiqué qu'il soutiendrait les salariés. Il y a près d'un an, le gouvernement avait reconduit pour 4 ans le mandat de Carlos Ghosn. Mais alors qu'il y avait déjà eu des polémiques sur sa rémunération exorbitante, il l'avait contraint à baisser son salaire de 30%. Il l'avait aussi obligé à nommer un numéro deux pour préparer sa succession. Celui-ci, Thierry Bolloré, un financier converti à l'industrie, pourrait être intronisé plus vite que prévu.
L'affaire est explosive. Non seulement d'un point de vie économique mais aussi politique. Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national fustige, je cite, le "chouchou des élites", elle se gausse: "Leur monde se meurt".
>>Ecouter les précisions de Joëlle Meskens: