Lancé en 1999, "l'euro n'a pas encore trouvé sa stature. Il faudra peut-être deux générations jusqu'à ce que les choses se stabilisent", estime Jean-Pierre Roth, qui a été président de la BNS de 2001 à 2009, mercredi dans La Matinale de la RTS.
"C'était un saut dans l'inconnu, avec ses risques", se remémore-t-il "Si les choses évoluaient bien, c'était une bénédiction pour la Suisse: enfin une Europe stable sur le plan monétaire! Plus de dévaluation de la lire italienne, plus de problèmes monétaires en France... l'Allemagne avait toujours été notre allié du côté des monnaies fortes. Mais si ça tournait mal, cela serait un gros problème pour nous", détaille-t-il.
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"Des valeurs communes de moins en moins partagées"
Et aujourd'hui? "Les choses ont évolué, mais un certain nombre de problèmes sont apparus. On a vu la zone euro en crise, car elle a connu un élargissement peut-être trop rapide, le problème de la Grèce et l'introduction en Suisse du système de défense par le plancher de l'euro."
"Je crois que 2019 va être une année cruciale. L'euro était basé sur l'idée que les pays européens allaient converger, mais on a le sentiment que les valeurs communes sont de moins en moins partagées", glisse Jean-Pierre Roth.
Les élections européennes de mai prochain permettront-elles d'y voir plus clair? "L'euroscepticisme progresse. Non seulement en Italie, c'est clair, mais quand on voit les premiers sondages en France, on peut imaginer que de ce côté-là, les choses vont se manifester. Et puis en Allemagne, Angela Merkel est affaiblie...".
"Un mariage sans divorce"
Il a plusieurs fois été question de l'effondrement de la zone euro, notamment lors de la crise grecque en 2015. "Ca tient toujours parce que c'est un mariage sans divorce. On entre dans l'euro mais on ne peut pas en sortir. Tous les navires ont été brûlés, le pays qui a décidé d'adopter l'euro ne peut pas revenir à son ancienne monnaie en 24 heures", estime Jean-Pierre Roth.
"La seule solution, c'est la fuite en avant et prendre les problèmes à la racine pour essayer que ce mariage soit réussi. Et pour l'instant, c'est un mariage qui connaît ses crises", ajoute l'ancien dirigeant de la Banque nationale, avant d'ajouter: "A l'origine, l'idée était d'avoir une union politique et une union monétaire. L'union monétaire a été faite, mais l'union politique... cet objectif a été totalement abandonné."
N'était-ce pas illusoire de vouloir mettre ensemble des logiques économiques et politiques très différentes? "C'était un pari sur l'avenir, sur la création de cette identité européenne. Mais maintenant, il faut un leadership européen très fort, sinon, nous aurons d'autres problèmes."
Propos recueillis par Romain Clivaz
Adaptation web: Jessica Vial