La Première Cour de droit civil a tenu deux audiences successives pour juger des recours des sociétés Marquardt Verwaltungs-GmbH et Von Roll production SA. Pour la première fois, le Tribunal fédéral était appelé à se prononcer sur le paiement de salaires en euros à des travailleurs frontaliers.
Concernant Von Roll, la firme avait introduit un système évolutif prévoyant le paiement des salaires en euros en fonction des variations du franc par rapport à la monnaie européenne. La situation concernait une centaine de salariés sur les sites jurassiens de Choindez et Delémont.
Malgré l'opposition du tribunal arbitral saisi par le syndicat Unia, l'entreprise avait refusé de revenir en arrière. Un frontalier domicilié en France voisine avait porté plainte en 2016, tandis qu'une vingtaine de plaintes attendent encore d'être instruites.
Décision sur la forme et non le fond
Les juges de Mon Repos ont rendu leur décision, retenant l'abus de droit de la part du plaignant, qui a tout d'abord accepté d'être payé en euros avant de revenir en arrière et de déposer plainte.
Les juges ont en outre admis les circonstances exceptionnelles dans lesquelles était plongée l'entreprise à cause de la crise de l'euro, du franc fort et de ses difficultés financières. Ils ne s'expriment pas sur la question de fond, qui était de savoir si oui ou non il y a eu discrimination des salariés frontaliers.
Abus de droit
Concernant Marquardt, la société allemande avait informé ses employés en décembre 2011 des difficultés rencontrées sur son site de Schaffhouse en raison de la crise de l'euro et du cours élevé du franc suisse. En conséquence, les salaires seraient payés à hauteur de 70% en euros et pour le reste en francs dès janvier 2012.
Une employée allemande avait saisi la justice et la Cour suprême du canton de Schaffhouse l'avait suivie, estimant qu'il y avait une discrimination de travailleurs européens par rapport à leurs collègues domiciliés en Suisse. Cette discrimination a été considérée contraire à l'accord sur la libre circulation.
Les juges, qui ont entendu les arguments de Marquardt, n'ont pas tranché la question de fond de la discrimination. Mais trois juges sur cinq ont estimé qu'ils étaient face à un abus de droit de la part de la plaignante. Cette dernière a accepté un avenant à son contrat qui mentionnait cette baisse de salaire, puis elle est revenue en arrière et a porté plainte.
Martine Clerc/ats/lgr