"La Chine est notre troisième partenaire commercial. Nous sommes pour la Chine leur dixième partenaire. Il est donc compréhensible que nous voulions être ici avec nos entreprises, pour assurer que les relations continuent à se développer de façon positive dans le futur," affirme la secrétaire d'Etat à l'économie (Seco), Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch.
Des exportations pour 40 milliards de francs par an
Les relations entre les deux pays sont en effet particulièrement favorables pour la Suisse, surtout depuis la signature d'un accord de libre-échange en 2013. Cette année-là, la valeur des exportations en Chine – Hong Kong et Macao compris – explose de 27 milliards en 2012 à 67 milliards en 2013, portée notamment par l'exportation d'or. Un record absolu, enregistré toutefois avant l'entrée en vigueur de l'accord, en 2014.
Depuis, les exportations se maintiennent autour des 40 milliards de francs annuels, tandis que les valeurs des importations augmentent régulièrement, de 15 milliards en 2014, à 22 milliards en 2017.
Syngenta la chinoise
Il y a dix-huit mois, ChemChina rachetait Syngenta pour 43 milliards de francs. La multinationale suisse devenait ainsi propriété de l'Etat chinois, appelée à contribuer au développement de la production agricole du pays et de ses 1,4 milliard d’habitants. Ce rachat n'a cependant pas limité l’ambition de l'entreprise à innover et affronter ses grands concurrents comme Bayer-Monsanto.
Présidée par Jack Ning, également à la tête du géant étatique du pétrole et des engrais Sinochem, Syngenta conserve sa marge de manœuvre, a expliqué à la RTS son directeur général Erik Fyrwald. "Ils nous laissent libres pour tout ce qui concerne notre développement dans le monde, mais ils nous aident en Chine. C'est un pays où on n'a jamais été très forts avant, où aucune multinationale étrangère n'a jamais eu de succès sur le marché agricole. Donc ils nous apprennent à faire cela et en même temps nous soutiennent pour le reste de nos activités". Syngenta a d’ailleurs procédé ces derniers mois à quatre acquisitions, notamment dans le domaine numérique, précise Erik Fyrwald.
La souveraineté de l’économie suisse
En Suisse, l’entreprise a même renforcé ses activités de recherche et développement, explique son directeur général. Privilégier l’emploi, c’était une des raisons de choisir ChemChina pour la vente de Syngenta en 2017. Mais ce choix immédiat et face à la multiplication des participations chinoises dans les entreprises suisses ne constitue-t-il pas un risque sur la souveraineté de la Suisse et de son économie? Posée au Parlement, la question est abordée avec prudence par le nouveau conseiller fédéral en charge de l'économie. "C'est une politique générale où nous devons faire une nouvelle appréciation," répond Guy Parmelin. "Le Conseil fédéral va se prononcer et nous verrons s'il y a des mesures à prendre".
Approche moins nuancée pour le président d'Economiesuisse. Heinz Karrer admet une réflexion nécessaire concernant les infrastructure stratégiques mais s'en tient à l'approche très libérale adoptée jusqu'ici par la Confédération: "La Suisse vit de tout ce qu'apporte en permanence l'innovation, et je suis très très sceptique à l'idée de mettre des restrictions à ces investissements étrangers".
La Chine va continuer de grandir
Peur ou pas, la Chine grandira encore. Autant donc construire des ponts, plaide Erik Fyrwald: "Syngenta, à notre petite échelle, nous pouvons aider à montrer l'exemple d’un pont entre la Chine et l'Occident, car comme les Chinois nous possèdent ils apprennent à nous connaître et vice-versa. Tout cela dans l'expérience Syngenta".
Patron américain, basée en Suisse, propriété du gouvernement chinois: Syngenta, expérience emblématique de la mondialisation et de la place grandissante qu'y prend la Chine. Et son ambition de devenir la première puissance économique mondiale.
Pascal Jeannerat & Feriel Mestiri
Près d'un millier d'entreprises suisses en Chine
Selon l'ambassade de Suisse à Pékin, le nombre d'entreprises suisses et leurs succursales en Chine est estimé entre 850 et 1000. Ensemble, elles emploient 182'709 personnes.
Les flux d'investissements directs de la Suisse vers la Chine ont eux aussi fortement augmenté depuis 2004, atteignant des niveaux record en 2011 et en 2014.
Le capital-actions des investissements suisses en Chine à la fin de 2016 s'élevait à environ 21,40 milliards de francs, soit 1,8% du total des investissements directs étrangers.
La Chine reste donc pour les investisseurs suisses le principal lieu d'investissement en Asie.