Depuis 1996, les émissions moyennes de CO2 liées aux carburants n'ont cessé de baisser, en grande partie grâce à l'utilisation des biocarburants. Les nouvelles voitures immatriculées en Suisse émettaient moins de CO2 chaque année.
Mais la tendance s'est inversée en 2017, selon une enquête du Tages-Anzeiger, publiée mardi. Pour la première fois depuis le début des statistiques en 1996, le CO2 émis des véhicules a augmenté de 0,4% en 2017 et 3% en 2018. Et il ne s'agissait pas d'un dérapage unique, au contraire.
Avec des émissions de 138 grammes de CO2 par kilomètre en 2018, les émissions dépassaient de 4 grammes celles de l'année précédente, selon les chiffres d'Auto-Suisse, l'Association des importateurs suisses d'automobiles.
49% des voitures vendues en 2018 étaient des 4x4
Cette augmentation s'explique notamment par la baisse des ventes de voitures diesel après le scandale du dieselgate. Les voitures diesel expulsent certes plus d'oxyde d'azote, mais émettent jusqu'à 15% de CO2 en moins que l'essence. Mais c'est surtout l'essor des véhicules 4x4 qui tire les émissions de CO2 vers le haut. Ces véhicules consomment en moyenne 10% de carburant en plus que la même voiture en deux roues motrices. Or, près d'une voiture sur deux vendue en 2018 était à 4 roues motrices. Cette proportion est un record, selon Auto-Suisse.
Une autre explication de cette forte augmentation en 2018 est un changement de méthode de calcul, survenu en septembre dernier: "Les nouveaux tests sont plus longs, les vitesses plus élevées, donc les émissions sont plus hautes", explique à la RTS le président d'Auto-Suisse François Launaz.
Contraire aux objectifs climatiques
Quoi qu'il en soit, cette augmentation va à l'encontre des objectifs climatiques de la Suisse fixés en 2015. Selon la loi sur le CO2, les émissions moyennes ne doivent pas dépasser les 130 grammes de CO2 par kilomètre. Une limite qui doit baisser à 95 grammes dès la fin 2020, afin de répondre aux exigences de la stratégie énergétique 2050, adoptée par le peuple en 2017.
Le Parlement avait prévu des amendes salées pour les importateurs, mais le Conseil fédéral a assoupli l'an dernier ces exigences (lire en encadré).
Pour le conseiller aux Etats Jacques-André Maire, il s'agit d'un très mauvais signal: "Si on n'atteint pas les objectifs c'est par manque de volonté des milieux concernés, mais aussi par manque de volonté politique. Le rôle du Conseil fédéral serait de manifester une volonté politique beaucoup plus claire pour mettre en oeuvre les décisions du Parlement. Nous allons certainement intervenir pour demander que les sanctions qui ont été prévues soient effectivement appliquées dans les délais prévus dans les lois", souligne le socialiste neuchâtelois.
Feriel Mestiri et Julien Chiffelle
Des amendes assouplies
Il y a 10 ans, le Parlement a mis en place un dispositif de sanctions qui déresponsabilisait totalement l'acheteur de voiture polluante. On ne regarde plus alors les émissions de CO2 de chaque véhicule pour calculer la taxe, mais on fait la moyenne entre tous les véhicules vendus par la même marque ou le même groupe. Ce sont donc les achats de petits véhicules moins polluants qui permettent aux détenteurs de gros 4x4 à essence de ne pas payer trop de taxes.
Des amendes sont prévues pour les concessionnaires qui dépassent la moyenne. Mais elle est dérisoire. En 2016, par exemple, le groupe Mercedes a déboursé un peu moins de 200'000 francs, soit une amende de 7,50 francs pour chaque véhicule vendu par la marque allemande.
Mais cela pourrait changer, car dès 2020, la limite de CO2 par véhicule va baisser à 95 grammes par kilomètre. Les importateurs évoquent des amendes de l'ordre de 200 millions de francs. A Berne, on prépare à nouveau des mesures destinées à diminuer les amendes prévues sur les émissions de CO2.