La conjoncture internationale s'est sensiblement dégradée,
entraînant un risque élevé de détérioration marquée de l'activité
économique en Suisse l'an prochain, écrit jeudi l'institut d'émission, sans toutefois mentionner
le mot de récession.
Inattendu et inédit
En assouplissant sa politique monétaire, à la surprise générale
et dans une ampleur encore jamais vue, la BNS exploite la marge de
manoeuvre dont elle dispose. Selon la banque centrale, l'inflation
devrait tomber au-dessous de 2% avant la fin de l'année déjà. A la
faveur du recul des cours des matières premières et des produits
pétroliers, la stabilité des prix se rétablira plus rapidement que
prévu.
La BNS entend continuer à alimenter le marché monétaire en francs
suisses «d'une manière généreuse et flexible» afin d'amener le
Libor dans la zone médiane de la marge de fluctuation. Pour
mémoire, l'institut d'émission avait réduit au début du mois de 0,5
point la marge de fluctuation de son taux de référence, le Libor à
trois mois, la ramenant à 1,5%-2,5%.
Jean-Pierre Roth veut réagir
L'économie suisse se trouve probablement face à la situation la
plus difficile depuis des décennies, a déclaré jeudi le président
de la BNS Jean-Pierre Roth. Interrogé par la Radio suisse
alémanique, Jean-Pierre Roth n'a cependant pas voulu faire de
prévisions précises pour 2009. Les choses évoluent en effet en
permanence en ce moment.
Les signes sont cependant peu engageants pour l'année prochaine.
Selon le président de la BNS, la baisse vigoureuse et prompte du
taux directeur se justifie par la péjoration des perspectives
économiques à l'étranger et vise à obtenir rapidement certains
effets. Si la demande d'exportations périclite, la Suisse aura des
problèmes, même avec une économie saine et un niveau technologique
élevé.
Le CS baisse ses taux d'intérêt
A la suite de l'évolution des taux d'intérêt sur les marchés
monétaires et des capitaux, le Credit Suisse baisse quant à lui les
taux d'intérêt des hypothèques à taux variable. Dès le 1er avril
prochain, le taux de référence des hypothèques à taux variable de
premier ordre baissera de 0,25% pour s'établir à 3,25%. Cette
diminution entre immédiatement en vigueur pour les nouvelles
affaires, a annoncé jeudi la grande banque.
Toujours à partir du 1er avril 2009, le taux de référence des
crédits de construction existants baissera de 0,25% pour se situer
à 3%. Pour les nouvelles affaires, la baisse est immédiatement
applicable.
Le SMI termine en chute de près de 4%
La Bourse suisse a de son côté de nouveau chuté lourdement
jeudi, malgré la décision surprise de la BNS. À la clôture,
l'indice Swiss Market Index ( SMI )
cédait 3,95% par rapport à mercredi pour se fixer à 5306,1 points.
L'indice élargi SPI perdait lui 3,74% à 4373,73 points.
Selon les courtiers, une série de données conjoncturelles
américaines, mauvaises, ont pesé sur l'ambiance. Les pertes ont
touché tous les secteurs, y compris les défensives. Le SMI a marqué
en séance un plus bas de 5 ans.
Le secteur bancaire en particulier cause des soucis. Swiss Life a
chuté de 10,6% à 66,70 francs. Le Credit Suisse et l'UBS ont reculé
de respectivement 9,8% à 24,90 francs et 6,4% à 11,30 francs. Le
titre UBS a atteint un nouveau plancher historique à 10,67 francs.
Julius Bär a perdu pour sa part 6% à 36 francs.
Les poids lourds défensifs n'ont que partiellement joué leur rôle:
Roche a fini en baisse de 5,9% à 156,20 francs. Nestlé a fait un
peu mieux avec un recul de 4,2% à 43,12 francs et Novartis n'a
perdu «que» 2,1% à 57,45 francs. Ciba (-0,8% à 49,52 francs) est
par instants repassé en-dessus des 50 francs grâce à des achats de
couverture par des fonds spéculatifs qui avaient parié sur un échec
de la reprise par BASF.
ats/ant/cer
Une décision "justifiée"
Les milieux économiques ont unanimement salué la décision surprise de la Banque nationale suisse d'abaisser de 100 points de base son taux de référence. Tant les patrons que les syndicats louent les grands moyens employés par la banque centrale.
«Il était important pour la conjoncture de baisser les taux», a indiqué le chef économiste de l'Union syndicale suisse Daniel Lampart. «Mais il est maintenant primordial que l'argent circule à nouveau dans l'économie. Sinon ces mesures seront vaines», prévient-t-il.
Economiesuisse s'est dit surprise par l'ampleur de la baisse et par le moment choisi pour le faire. Selon le chef économiste Rudolf Minsch, la décision de la BNS est un «signal» en vue de normaliser le marché interbancaire.
L'industrie suisse des machines, équipements électriques et métaux Swissmem a aussi fait part de sa satisfaction. «La décision de la BNS influence favorablement les taux de change».
Les économistes ont également vanté les mérites de la BNS. La décision est amplement justifiée par la situation économique, a commenté Jean-Pierre Béguelin, chef économiste de la Banque Pictet & Cie. Les données conjoncturelles dans le monde sont dans leur ensemble mauvaises.
Selon Jean-Pierre Béguelin, ce nouvel assouplissement peut aussi s'expliquer par des raisons techniques. La BNS s'attend à ce que la Banque centrale européenne (BCE) réduise son taux directeur lors de sa prochaine réunion et elle a anticipé cette décision afin d'éviter que le franc suisse ne s'apprécie trop.
Le chef économiste de la banque Julius Baer, Janwillem Acket, complimente la BNS. «Elle a pris l'initiative rapidement et de façon pragmatique», souligne-t-il. L'institut d'émission a agi de façon exemplaire dans l'intérêt de l'économie réelle, à la dérive depuis quatre semaines.
«Des petits pas n'ont actuellement aucun sens, il fallait sortir la grosse artillerie», estime Janwillem Acket. Les banques centrales ont désormais les mains libres: l'inflation n'est plus une menace devant la baisse des prix des matières premières et le fléchissement conjoncturel mondial.
L'association des propriétaires alémaniques (HEV) s'est joint au concert de louanges adressées à la BNS. Selon elle, la mesure constitue une aide déterminante au marché immobilier indigène.