"Ces petites anguilles avaient déjà subi un long voyage en avion et une petite partie des alevins saisis étaient morts avec le transport. Donc la priorité était de les mettre à l'eau le plus rapidement possible", explique à la RTS Frédéric Hofmann, inspecteur cantonal de la pêche du canton de Vaud.
Pour ces alevins d'anguilles, appelés aussi civelles, le voyage a été moins long que prévu. Enfermés dans des sacs plastiques et cachés dans les bagages de sept voyageurs interpellés à l'aéroport de Genève, ils auraient dû poursuivre leur chemin jusqu'en Asie.
Cinq des sept trafiquants interpellés sont toujours incarcérés dans la prison de Champ-Dollon, à Genève. Une semaine auparavant, deux personnes avaient déjà été arrêtées à Zurich avec des valises remplies de civelles. Elles ont été repérées lors du contrôle de leur bagage aux rayons X.
Après plusieurs arrestations en Europe, notamment en France, les trafiquants d'anguilles testeraient-ils la route suisse? "Il s'agit d'un réseau de trafiquants, principalement asiatiques, qui partent du Portugal ou de l'Espagne, qui transitent par différents pays, passent par la Suisse et repartent en direction de l'Asie", explique Jean-Claude Duvoisin, enquêteur à l'Administration fédérale des douanes.
Trafic international pesant des dizaines de millions
Un vaste trafic international s'est organisé depuis 2010 et l'interdiction d'exporter les anguilles hors d'Europe. Mais les Asiatiques sont très friands de cette chair. Ce marché noir pèse aujourd'hui des dizaines de millions de francs. Les civelles saisies en Suisse étaient destinées à l'engraissement dans des fermes chinoises.
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Selon les trafiquants, les anguilles rapporteraient autant que la vente de stupéfiants, mais avec les ennuis en moins. Pourtant, les sanctions tendent à se durcir avec la multiplication des arrestations et des peines de prison.
"En Suisse, ils risquent jusqu'à trois ans de prison, puisque c'est un délit", précise Jean-Claude Duvoisin. En plus d'une peine privative de liberté, une amende pouvant aller jusqu'à 40'000 francs est prévue par la Loi sur les espèces protégées.
Estelle Braconnier/Feriel Mestiri
Dans la liste rouge des animaux menacés d'extinction
Environ 90% des populations d'anguilles européennes ont disparu ces 30 dernières années. C'est pourquoi l'anguille est inscrite dans la liste rouge des espèces "en danger critique d'extinction" et figure dans l'annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).
L'importation et l'exportation en sont strictement interdites dans l'Union européenne.
Trois menaces ont engendré la disparition des anguilles: la pollution, les obstacles à la migration (les nombreux ouvrages hydroélectriques qui jalonnent les grands fleuves d'Europe) et la surpêche. Depuis 2010, des restrictions de pêche ont été prises dans les estuaires. Mais en Suisse, nul besoin de restriction, puisqu'il n'y en a quasiment plus.