Les achats de Huawei dans la 5G, de Baoshida dans la sidérurgie ou de ChemChina dans la chimie ne craignent pas un régime de contrôle. Le Conseil fédéral a publié mercredi un rapport qui répondait aux interventions parlementaires du socialiste Hans Stöckli et du PDC Pirmin Bischof. Les sénateurs s'inquiétaient en effet des investissements croissants en Suisse d'entreprises proches de l'Etat chinois.
Selon le rapport, la loi actuelle permet déjà d’écarter pratiquement tout risque de menace sur la sécurité nationale issue de l'acquisition d’entreprises par des acteurs étrangers hostiles. Pire, limiter les flux de capitaux accroîtrait la charge administrative pour les entreprises concernées et l’incertitude pour les investisseurs. L'affaiblissement de l’attrait de la place économique helvétique serait une autre conséquence.
Monitoring à effectuer
La Suisse compte au rang des premières destinations mondiales des investissements directs, ajoute le Conseil fédéral. Conscient toutefois des risques potentiels, il entend tout de même réaliser un monitoring et actualiser le rapport. Une décision totalement insuffisante pour le PDC, qui a déclaré qu'il continuerait d'exiger des mesures contre la vente d'entreprises suisses.
La réponse du gouvernement ne satisfait pas plus la gauche. "Un monitoring est insuffisant, a réagi Hans Stöckli. Le rapport du Conseil fédéral montre que les Etats-Unis et plusieurs pays européens ont mis en place des outils pour contrôler les investissements de l'étranger." Le socialiste estime que le domaine informatique souffre particulièrement d'un manque de suivi.
L'UE davantage méfiante
La position du Conseil fédéral est ainsi à l'opposée de celle de l'Union européenne. Le Parlement européen a adopté jeudi un texte dans ce sens. Selon le député Franck Proust, il faut "porter un regard méfiant" sur les participations qui répondent à une logique politique et non économique. Dans le viseur: les grands groupes chinois qui ne cessent de racheter, justement.
Les Européens veulent protéger de l'espionnage plusieurs secteurs jugés stratégiques. Comme l’intelligence artificielle, la robotique ou encore les terres agricoles. Si, à l’avenir, un groupe étranger manifeste un appétit dans un de ces domaines, le pays concerné devra en informer ses partenaires européens. Ils pourront donner leur avis, tout comme la Commission, à Bruxelles. La décision finale appartiendra au pays concerné, qui pourrait subir une certaine pression. L'entrée en vigueur du texte est prévue fin 2020.
Propos recueillis par Marie Giovanola/Guillaume Meyer/ani