Contexte oblige, l'ambiance du rendez-vous de l'élite mondiale
de la politique et des affaires a été cette année plus sobre, avec
des soirées moins fastueuses et des buffets revus à l'économie.
Sans rapport avec la crise financière, l'image qui risque de rester
de ce Forum est celle du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan
quittant en colère, devant des centaines de personnes, un débat
houleux avec le président israélien Shimon Peres sur le conflit de
Gaza.
Protectionnisme au coeur des débats
Tandis que les mauvaises nouvelles économiques tombaient du
monde entier, le retour du protectionnisme a été le thème majeur,
dénoncé à l'unisson par le Premier ministre russe Vladimir Poutine
comme par ses homologues chinois Wen Jiabao, allemande Angela
Merkel ou britannique Gordon Brown.
Le projet de Washington de protéger encore davantage ses
sidérurgistes a confirmé cette crainte de voir le commerce mondial
subir un coup d'arrêt sous le double effet de la récession et des
barrières dressées par les Etats. La nouvelle administration
américaine a été la grande absente de ce Forum, le président Barack
Obama se contentant d'envoyer une conseillère.
En période de crise, "l'instinct n'est pas en faveur du
libre-échange mais du protectionnisme", a déclaré le ministre
brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim, fervent partisan
d'une plus grande libéralisation du commerce.
Ministres de l'OMC samedi
Comme à l'habitude Davos a été l'occasion d'une réunion des
ministres du Commerce dans l'espoir de relancer les négociations à
l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Une vingtaine d'entre
eux ont fait samedi une déclaration estimant possible une
conclusion en 2009 après les échecs de 2008.
"Les ministres sont inquiets car ils subissent une pression
politique domestique", a admis samedi le directeur de l'OMC, Pascal
Lamy lors d'une conférence de presse. "Ce qu'ils entendent chez
eux, c'est que le commerce doit être jeté aux toilettes", a-t-il
poursuivi, reconnaissant "une source d'inquiétude pour eux comme
pour moi".
"La situation actuelle comporte deux risques majeurs: des troubles
sociaux et le protectionnisme", a déclaré la ministre française de
l'Economie Christine Lagarde après la journée de grève et de
manifestations jeudi en France. Prenant l'exemple de la France,
l'ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan a mis en
garde les gouvernements: "Il y a de la peur, il y a de la colère",
a-t-il dit.
Espoirs le 2 avril
Concernant le volet financier de la crise, les responsables
publics ont placé leurs espoirs dans la réunion du G20 du 2 avril à
Londres sans avancer de solution concrète pour la réforme du
système financier international. Angela Merkel a évoqué une charte
pour "un nouvel ordre économique mondial" et la possibilité de la
confier aux Nations unies via un Conseil économique à l'image du
Conseil de sécurité.
Les pays du Sud ont craint un repli sur eux-mêmes des pays riches
non seulement sur le plan commercial, mais aussi sur le plan de
l'aide. "Ce n'est pas le moment de réduire le flux de capitaux vers
l'Afrique", a souligné le Premier ministre du Kenya, Raila Odinga.
Le président colombien Alvaro Uribe a émis le même souhait pour
l'Amérique latine où "200 millions de personnes" sont concernées
par la lutte contre la pauvreté.
Le milliardaire et philanthrope américain Bill Gates, habitué de
Davos, a lancé un appel aux gouvernements "à ne pas réduire l'aide
aux pays en développement en cette période de difficultés
économiques".
afp/cht
A Belèm, les altermondialistes s'organisent
"La crise nous pose un défi énorme avec de nombreuses conséquences possibles", a déclaré François Houtart, président du Centre Tricontinental (CETRI), dont le siège est en Belgique. Selon lui, "ou bien les gens seront tellement touchés qu'ils ne réagiront pas, ou bien il y aura des révoltes ou une résistance organisée" au système.
François Houtard a cité le cas de la Zone de libre-échange des Amériques "qui n'a jamais vu le jour grâce à la pression des mouvements populaires" qui s'y opposaient. "Si le Forum social mondial (FSM) ne donne pas de réponses à la crise du néo-libéralisme, pour obtenir la paix dans le monde et pour instaurer des modèles de substitution, il sera dépassé", a mis en garde le philosophe brésilien Emir Sader.
Plus de 2000 séminaires, débats et conférences ont été programmés au cours des cinq jours du FSM de mercredi à dimanche, dont une bonne partie pour débattre du "post-capitalisme".
Une taxe sur les transactions financières internationales reversée aux pays pauvres, l'élimination de la dette du tiers-monde, un commerce équitable et une économie solidaire figurent parmi les innombrables propositions des centaines d'organisations présentes. Tous, en quête d'une meilleure utilisation de leurs armes: l'opinion publique, la pression populaire et les manifestations.
Pour la première fois au FSM on s'occupe peu du sommet concurrent à Davos, que les altermondialsites considèrent comme "un échec" car il représente à leurs yeux le symbole du capitalisme en crise. "Ce n'est pas Davos qui donnera les solutions de rechange car ce sont eux (les décideurs politiques et économiques) qui ont créé cette situation", a estimé Candido Grzybowski, organisateur du forum.