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Buzz or not buzz? Le nouveau dilemme des marques

George Clooney, la classe et un zeste d'autodérision. [Nespresso]
George Clooney, la classe et un zeste d'autodérision. [Nespresso]
Les spots publicitaires "What else?" de Nespresso sont parmi les plus parodiés sur internet. A petit budget et à portée de chaque internaute ingénieux, ces vidéos créent le buzz et sont vues par des dizaines de milliers de personnes. Une success story qui réjouit l'entreprise suisse. Mais les nouvelles techniques de marketing ne font pas que des heureux. Elles peuvent aussi revenir comme un boomerang contre celui qui les lance.

Les publicités "What else?", qui mettent en vedette l'acteur
George Clooney, ont atteint une notoriété mondiale. Elles sont si
connues qu'elles font l'objet de nombreuses parodies sur internet,
et particulièrement sur Youtube. Les internautes rivalisent
d'originalité pour les retoucher.

George Clooney en cht'i

Le doublage du clip avec l'accent alsacien est
devenu l'une des versions les plus populaires. Elle a été vue
170'000 fois depuis sa mise à l'antenne. La version cht'i remporte aussi un beau succès,
avec près de 55'000 vues. Chez Nespresso, le phénomène n'affole
pas. "Nous n'avons ni cherché à freiner ni stimulé ces parodies",
explique Pascal Hottinger, directeur de Nespresso Suisse, "car nous
voyons cela comme une forme de reconnaissance".



La marque a même accepté de collaborer avec les Guignols de Canal+
pour une série de clips humoristiques démarrée durant les élections
françaises. Depuis, cette parodie a été réutilisée sous diverses formes
par Canal+, qui poursuit sa série de sketches basés sur la campagne
"What else?".



"Ces parodies s'insèrent souvent bien dans le style Nespresso:
humoristiques et avec une certaine autodérision, reprend Pascal
Hottinger. "Mais si le contenu était contraire aux valeurs de la
marque, nous interviendrions", reprend-il. Cela a d'ailleurs été le
cas lorsqu'un homme politique s'est mis en scène avec le concept
"What else?" pour une campagne électorale.



Alors, publicité gratuite? "Ce n'est pas voulu de notre part. Je
pense que c'est plutôt les effets positifs d'une campagne réussie
et qui n'a pas lassé", conclut le patron de Nespresso Suisse.

Le "bad buzz" qui fait trembler

Mais parfois aussi, le buzz fait un tort considérable aux
marques. On appelle cela un "bad buzz" et il fait trembler les
publicitaires. L'un des derniers en date a visé la société
américaine Domino's Pizza. Une vidéo montrant deux employés du groupe en train de cracher sur les
pizzas qu'ils préparaient s'est largement répandue sur
internet.



Elle a été vue plusieurs centaines de milliers de fois et a été
reprise par de nombreux médias américains. Une si mauvaise
publicité qu'elle a obligé le patron à diffuser au plus vite
une vidéo dans laquelle il présente
ses excuses et annonce des mesures pour qu'une telle situation ne
se reproduise plus.



"Le problème du buzz, c'est qu'il se diffuse comme une rumeur. Il
est donc nettement moins maîtrisable que les autres stratégies
publicitaires", explique David Sadigh, spécialiste marketing à
IC-Agency à Genève. "On peut retirer des affiches, mais on ne peut
pas arrêter la propagation d'une rumeur sur internet".

Le nouveau pouvoir du "consomm'acteur"

Dans le cas de Domino's Pizza, les
experts sont unanimes: la société a très bien réagi. "Le groupe
doit prendre la parole très rapidement, reconnaître le problème et
annoncer des solutions", préconise Michel Deslarzes, de l'agence
Details SA et organisateur d'un récent cours de marketing nommé
"buzz academy".



Dans d'autres cas, c'est le buzz que la marque a elle-même lancé
qui dérape. La campagne pour les produits de beauté Dove a ainsi
été piratée par Greenpeace pour dénoncer la déforestation dont
Unilever, qui détient Dove, est responsable selon elle. Le spot tourné par l'organisation écologiste montre
les dégâts environnementaux provoqués par l'utilisation d'huile de
palme dans les produits Dove. "La parodie du spot publicitaire a
été un support pour critiquer la politique commerciale d'Unilever",
souligne Natalie Favre, de Greenpeace Suisse. Et la campagne a été
si efficace qu'Unilever s'est engagé à soutenir un moratoire sur la
déforestation.



Ces exemples montrent que l'internaute a conquis un nouveau
pouvoir. "Aujourd'hui, on est sorti du modèle du consommateur
décérébré pour entrer dans celui de consomm'acteur", explique le
sociologue Sami Coll, de l'Université de Genève. Les marques
utilisent les internautes pour diffuser leurs messages
publicitaires, par e-mails, Facebook ou Youtube. Et lorsque le
message publicitaire transite par un internaute, il peut être
altéré.

Buzz or not buzz?

Alors le buzz, trop dangereux pour être utilisé par les
publicitaires? "C'est un faux débat", juge Michel Deslarzes. "Le
mauvais buzz est souvent une erreur de communication. Ce n'est pas
pour cela qu'il faut renoncer à l'utiliser". Avis plus nuancé chez
David Sadigh: "Le buzz est un outil, pas une fin en soi. Ce n'est
pas le nouveau Graal de la publicité. Il faut scénariser les
risques de dérapages avant de lancer la campagne et pouvoir réagir
très vite".



Les annonceurs se trouvent donc devant une nouvelle difficulté:
utiliser l'internaute comme relais à leurs annonces et prendre le
risque que leur message soit altéré.



Malgré les risques inhérents à l'exercice, l'avenir du buzz est
assuré, car le gain en notoriété est trop alléchant. Et ce n'est
pas l'Etat australien du Queensland qui dira le contraire. En
proposant un concours pour un emploi de gardien sur une île
paradisiaque et en créant le buzz, il a gagné une visibilité
énorme. Quelque 34'000 candidats de 200 pays ont participé et
l'annonce a été reprise par la plupart des médias mondiaux,
gratuitement. Qui aurait pu se payer un tel espace
publicitaire?



Enquête de Cécile Rais

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Qu'est-ce que le buzz?

Littéralement, c'est le "bourdonnement". Aujourd'hui, le mot est principalement utilisé pour qualifier la rumeur qui court sur internet.

Exemple le plus récent et le plus marquant: la vidéo montrant la prestation de Susan Boyle dans l'émission "Britain's Got Talent", qui a été visionnée une centaine de millions de fois.

Plus spécifiquement, le buzz est aussi une nouvelle technique marketing.

David Sadigh explique le processus.

Pour lancer le buzz, il faut trouver un concept qui fait mouche.

Il faut créer des contenus drôles, intrigants ou ludiques qui donnent envie aux internautes de les partager avec leurs amis.

Ensuite, il s'agit de trouver des utilisateurs de départ qui se chargeront de lancer la rumeur.

Mais le spécialiste tempère. Le buzz doit faire partie d'une stratégie plus globale de marketing, il ne se suffit pas en lui-même.

Cela signifie qu'une campagne de buzz doit être accompagnée d'une campagne plus "traditionnelle", par exemple des affiches ou des publicités à la télévision.

Exemple suisse de buzz réussi: Le Parfait

Le Parfait a récemment fait une campagne de buzz afin d'augmenter sa visibilité et de rajeunir son image. La marque a lancé un concours de vidéos.

Les internautes devaient trouver une idée originale pour faire sortir la pâte le plus rapidement de son tube.

Le Parfait a voulu partir d'un défaut connu du produit (difficulté d'extraire la pâte du tube) et en faire une force.

Vingt-trois films ont été envoyés et ils ont été vus 70'000 fois.

De plus, un fan club s'est formé sur Facebook et rassemble plus de 1600 personnes.

Cette campagne de buzz a été accompagnée d'une campagne d'affichage nationale et d'affichettes dans les trains.

La vidéo de lancement du concours a aussi été publiée sur des sites de vidéos online, tels que Youtube.

"Pour nous, cela a été un réel succès. La notoriété de la marque s'est accrue et nous avons gagné des consommateurs", indique Philippe Oertlé, de Nestlé Suisse.