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Edipresse et Tamedia s'unissent, un gratuit disparaît

Tamedia rachète Edipresse Suisse
Tamedia rachète Edipresse Suisse, 12:45 Le Journal - 3 mars 2009 / 12h45 / 2 min. / le 3 mars 2009
Chambardement dans la presse suisse: le groupe alémanique Tamedia reprend les activités suisses du plus grand éditeur romand, Edipresse. L'opération, soumise à l'approbation de la Commission de la concurrence, se réalisera par étapes d'ici 2013. Un des deux gratuits disparaîtra.

«Le monde des médias subit une mutation sans précédent», a
expliqué mardi à Lausanne en conférence de presse Pierre Lamunière,
président du conseil d'administration du groupe Edipresse. «La
décision n'a pas été facile à prendre pour la famille Lamunière»,
a-t-il ajouté.

Mais cette alliance est censée répondre aux nouveaux défis structurels induits
par le développement d'Internet et à la concurrence des grands
groupes étrangers. «L'union fait la force et cette fusion
renforcera la presse suisse», a renchéri Pietro Supino, directeur
général de Tamedia. La presse helvétique restera ainsi en mains
suisses.



La fusion doit permettre l'émergence d'une entreprise de médias
helvétique, capable d'affronter les nouveaux concurrents d'Internet
tels que les géants Google ou Facebook.

Chiffre d'affaires de 1,25 milliard

Dans un premier temps le groupe zurichois deviendra actionnaire
à 49,9% des activités suisses d'Edipresse. Puis Tamedia achètera
0,2% supplémentaire début 2011, et enfin les 49,9% restants début
2013. Le prix des deux premières prises de participation se monte à
226 millions de francs, tandis que celui du reste de la transaction
dépendra de l'évolution des affaires d'Edipresse Suisse.



Une décision de la Comco est attendue d'ici la fin de l'été. «Je
ne peux même pas m'imaginer une décision négative», a encore relevé
Pierre Lamunière. Selon lui, si la Comco ne permet pas aux groupes
suisses de trouver un accord entre eux pour renforcer la branche,
on peut oublier l'idée d'une presse suisse. Les deux groupes
veilleront en outre à conserver l'enracinement et la culture locale
qui leur sont propres.



Le chiffre d'affaires cumulé des deux groupes est estimé à 1,25
milliard de francs, en quatrième position derrière Publigroupe, la
SSR et Ringier et avant le groupe NZZ. A terme, la nouvelle entité
comptera au total 3700 emplois, dont 1300 postes de journalistes.
Hormis pour les gratuits, il n'y aura pas d'impact sur l'emploi, a
précisé Tibère Adler, directeur général d'Edipresse. La continuité
sera assurée au niveau des directions et des rédactions en
chef.

Un seul gratuit

En Suisse romande, compte tenu du
potentiel du marché publicitaire, les deux sociétés envisagent de
fusionner dès que possible les deux journaux gratuits «20 Minutes
et le «Matin Bleu». Le nouveau journal sera dirigé par Joseph
Crisci, actuel directeur de «20 Minutes» et sa rédaction en chef
sera assurée par Tristan Cerf, actuel rédacteur en chef du «Matin
Bleu». Les 70 emplois que totalisent les deux gratuits ne pourront
pas être maintenus.



«Mais nous ferons les choses dignement, avec un plan social pour
les employés qui ne pourront être récupérés dans l'entreprise», a
précisé Tibère Adler, directeur général d'Edipresse. Il n'a pas
voulu donner de précision sur l'ampleur des suppressions de postes
envisagées, mais le chiffre de 20 emplois supprimés est
articulé.

Activités internationales pas concernées

L'alliance des deux groupes doit permettre d'importantes
synergies. Editeurs, l'un en Suisse alémanique, l'autre en Suisse
romande, de plusieurs titres régionaux, de journaux dominicaux, de
magazines, de quotidiens gratuits et de nombreux sites web,
Edipresse et Tamedia bénéficient de portefeuilles
complémentaires.



Sur le plan publicitaire, le partenariat offrira aux annonceurs
nationaux des services plus performants et de nouvelles offres. Les
deux groupes tablent sur une amélioration du résultat de l'ordre de
30 millions de francs par an. A noter que les activités
internationales d'Edipresse, qui représentent 50% des activités du
groupe, ne sont pas concernées par l'accord. Il en va de même pour
le magazine «Bilan» et les médias d'Edipresse liés à l'horlogerie
et au monde du luxe.



agences/lan/mej

LES SYNDICATS VEULENT LE RESPECT DE LA CCT

Les syndicats des médias se disent
préoccupés par le rachat d'Edipresse par le groupe zurichois
Tamedia. Ils demandent que la convention collective de travail
(CCT) valable en Suisse romande soit respectée. Le syndicat
Impressum est particulièrement inquiet des effets de la fusion
annoncée entre Le Matin Bleu et 20 minutes.



Selon la CCT, avant que des places de travail ne soient
supprimées, les employés ont leur mot à dire, a indiqué mardi son
secrétaire central Urs Thalmann. Celui-ci attend de Tamedia qu'il
respecte le partenariat social.



Au contraire d'Edipresse, le groupe zurichois n'a dernièrement pas
fait de grands efforts sur ce plan. Les possibles suppressions
d'emplois ne sont pas le seul souci d'Urs Thalmann. La diversité
des médias est mise à l'épreuve comme jamais par le passé,
déplore-t-il.



Une concentration qui inquiète





Comedia a indiqué "refuser totalement" le rachat. La concentration
qui en résulte est malsaine, selon son co-président Roland Kreuzer.
La fusion devrait par conséquent être contestée par la Commission
de la concurrence et le Conseil fédéral, selon Roland Kreuzer. Ce
dernier critique aussi le fait que ce rachat donne naissance à un
groupe qui, depuis Zurich, exerce son influence jusqu'en Suisse
romande.



Pour le syndicat suisse des mass média (SSM) le processus de
concentration actuel ne doit pas entraîner un appauvrissement de la
diversité des publications ou un monopole des opinions. Dans un
communiqué, SSM exige des mesures qui garantissent l'autonomie des
rédactions à l'intérieur du groupe.



Appel de Moritz Leuenberger





Moritz Leuenberger attend du groupe zurichois Tamedia qu'il prenne
ses responsabilités. Pour le conseiller fédéral en charge de la
communication, une concentration dans le domaine des médias
constitue un danger pour la diversité de la presse. "Cela signifie
également des suppressions d'emplois", a déploré Moritz Leuenberger
dans une prise de position mardi.



Il attend donc du groupe zurichois qu'il préserve la diversité de
la presse et la diversité culturelle entre la Suisse romande et la
Suisse alémanique. Dans cette optique, Moritz Leuenberger s'est
réjoui à la télévision alémanique que l'éditeur romand ne soit pas
tombé aux mains d'une entreprise française.

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Les partis sont sceptiques

Les partis politiques se montrent sceptiques face au rachat d'Edipresse Suisse par Tamedia. PDC, PLR, UDC et PS ont fait part de leurs craintes face à la perte croissante de diversité dans les médias. PLR, PDC et PS attendent de la Comco un examen minutieux.

"Cette fusion donne naissance à un très grand groupe. L'indépendance de la presse suisse se voit ainsi de plus en plus menacée", a déclaré le président du PLR, Fulvio Pelli, mardi. Il attend de la Commission de la concurrence (Comco) un "examen approfondi" de la situation.

Pour le président de Parti socialiste, Christian Levrat, la manoeuvre est un grand pas dans la direction d'une plus grande concentration des médias suisses. "Tamedia en vient lentement à dominer tout le paysage médiatique du pays", a-t-il déploré. Raison pour laquelle la Comco doit vérifier la transaction. Il juge d'ailleurs que son accord est tout sauf certain. Si le rachat devait se faire, Christian Levrat espère qu'il ne donnera pas lieu à des licenciements.

Le président du PS appelle aussi Tamedia à ne pas fusionner de rédactions. Le marché romand fonctionne différemment de celui de Suisse alémanique, une telle démarche serait donc un autogoal, a-t-il expliqué.

Le président du PDC, Christophe Darbellay, a également exprimé des craintes quant à l'impact de ce rachat et dit attendre la décision de la Comco. "La situation représente particulièrement une source d'inquiétude pour la Suisse romande, car tout sera désormais fait depuis Zurich", a ajouté Christophe Darbellay. Pour le jeu politique, la tendance à la concentration produit également des effets.

"La scène se déplace de plus en plus vers Berne. Les thèmes sont fixés sur la scène nationale et il y a moins de place pour les débats régionaux", a regretté le Valaisan. Christophe Darbellay a toutefois rejeté l'idée d'un engagement accru de la Confédération en faveur de la presse. "L'Etat doit rester subsidiaire et surtout veiller à garantir la concurrence", a-t-il insisté.

Le président de l'UDC, Toni Brunner, partage l'opinion que l'Etat ne doit pas subventionner la presse. La politique ne peut pas endiguer les évolutions du marché, a-t-il déclaré. Il regrette cependant une trop grande concentration dans la branche. "Le journalisme critique souffre de cette trop grande unité", a-t-il souligné. "Le journalisme bien-pensant et fidèle aux idées du Conseil fédéral et de la majorité va continuer de prendre du poids", a-t-il déploré.