L'UBS ne transmettra pas de nouvelles données sur ses clients
aux autorités fiscales américaines (IRS). Le directeur financier de
la gestion de fortune de la banque Mark Branson l'a affirmé
mercredi devant une commission d'enquête du Sénat américain.
La banque a fait tout ce qui était en son pouvoir pour remplir
les conditions posées par la plainte contre inconnu déposée par
l'IRS, a déclaré le responsable d'UBS devant la sous-commission
d'enquête du Sénat.
L'UBS ne peut pas transmettre au fisc américain de nouvelles
données, sinon elle exposerait sérieusement ses collaborateurs au
risque de poursuites juridiques selon le droit suisse, a-t-il
expliqué.
48'000 comptes de clients américains
Interrogé par le président de la commission, le démocrate Carl
Levin, Mark Branson a indiqué que quelque 48'000 comptes étaient
détenus par des clients américains en Suisse. Le sénateur du
Michigan a dit ne pas comprendre pourquoi la banque ne peut pas
fournir les noms de tous les clients qu'elle est soupçonnée d'avoir
aider à frauder le fisc.
UBS, jusqu'ici numéro un mondial de la gestion de fortune, a
accepté en février de payer une amende de 780 millions de dollars
et de fournir les identités de 250 clients convaincus de fraude
fiscale. Les autorités américaines ont ensuite exigé que la banque
leur livre les identités de 52'000 clients.
Accusant Mark Branson "de se dérober inutilement", Carl Levin a
estimé qu'UBS avait fait "une déclaration de guerre (...) contre
les contribuables américains honnêtes et qui travaillent dur", en
cautionnant ces pratiques illégales aux Etats-Unis. "Nous sommes
déterminés à contre-attaquer et mettre fin aux abus qui nous sont
infligés par ces paradis fiscaux", a-t-il promis.
La Suisse critiquée
"Nous ne pouvons pas modifier les lois en Suisse, mais nous
pouvons faire en sorte que les lois américaines punissent
sévèrement de telles pratiques aux Etats-Unis", a-t-il ajouté. Carl
Levin a accusé la Suisse de se servir de l'accord de double
imposition conclu entre Berne et Washington et du secret bancaire
pour protéger des fraudeurs.
Il a indiqué avoir le soutien du président Barack Obama et de son
secrétaire au Trésor Timothy Geithner pour une proposition de loi
qui rendrait "difficile sinon impossible" une ouverture de compte
pour les Américains dans un paradis fiscal. Ce texte dresse une
liste de 34 paradis fiscaux, dont la Suisse et le
Liechtenstein.
Selon Carl Levin, 1,5 milliard de dollars sont cachés dans quatre
paradis fiscaux, dont la Suisse. "Il est absurde qu'un pays quel
qu'il soit puisse gagner de l'argent sur nos pertes ou nos recettes
fiscales", a-t-il dit. La Suisse est aussi fière du secret bancaire
que les Etats-Unis de la liberté et de la démocratie, a conclu le
sénateur.
Merz multiplie les contacts diplomatiques
Par ailleurs, on apprenait
mercredi que la Suisse entend renforcer sa contre-attaque face aux
puissants coups de griffes contre le secret bancaire. Le président
de la Confédération Hans-Rudolf Merz va rencontrer ces dix
prochains jours le secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner
et ses homologues autrichien et luxembourgeois.
Hans-Rudolf Merz, chef du Département fédéral des finances (DFF),
croisera son homologue américain lors de la séance du comité
directeur du Fonds monétaire international (FMI) le 14 mars à
Londres. La participation de Hans-Rudolf Merz à cette réunion a été
annoncée mercredi par la Neue Zürcher Zeitung et confirmée par le
DFF.
Liste noire en débat
Mais il n'est pas encore sûr que les deux ministres se voient
entre quatre yeux en marge de la réunion. Le Trésor américain,
dirigé par Timothy Geitner, coiffe l'IRS, qui a demandé à UBS les
dossiers de 52'000 clients américains de la banque suisse.
Une petite semaine avant sa participation au comité du FMI, Hans
Rudolf Merz débattra notamment d'une éventuelle liste noire de
paradis fiscaux avec ses homologues des Finances autrichien, Josef
Pröll, et luxembourgeois, Luc Frieden, également en charge de la
Justice.
Les entretiens des trois grands argentiers, dimanche 8 mars à
Luxembourg, "auront principalement pour but d'harmoniser les
intérêts communs des places financières dans le contexte
international", a indiqué mercredi le DFF dans un communiqué.
agences/mej/dk
Gordon Brown attaque les paradis fiscaux
Le Premier ministre britannique Gordon Brown a suggéré mercredi devant le Congrès américain d'interdire les paradis fiscaux. Il a plaidé pour "un système bancaire mondial qui serve notre prospérité au lieu de la menacer".
"Vous êtes en train de restructurer vos banques. Nous aussi. Mais les placements de tous ne seraient-ils pas beaucoup plus sûrs si le monde entier se mettait d'accord pour interdire les systèmes bancaires parallèles et les paradis fiscaux?", a questionné Gordon Brown dans un discours solennel devant les deux chambres du Congrès.
La question des paradis fiscaux doit figurer à l'ordre du jour du sommet des 20 grandes économies mondiales (G20) prévu le 2 avril à Londres pour mieux réglementer la finance internationale. Gordon Brown a demandé qu'il débouche sur "des règles et des normes en matière de responsabilité, de transparence et de rémunération qui sonneront la fin des excès et s'appliqueront à toutes les banques, partout, et en tout temps".
A la faveur de la crise financière internationale, Londres a semblé plus favorable ces derniers mois à une réglementation du système bancaire, après avoir été mis en cause pour les pratiques adoptées par des territoires sous sa juridiction comme l'île de Man ou les îles Anglo-normandes.
Le 22 février, le ministre britannique des finances Alistair Darling a ainsi dénoncé le secret bancaire suisse, estimant que l'on ne pouvait pas "tolérer" l'évasion fiscale.
Le même jour, les Européens du G20 avaient affiché leur détermination à réguler et surveiller l'ensemble des acteurs des marchés, y compris des fonds d'investissement spéculatifs (hedge funds). Le besoin de lutter contre les "centres non-coopératifs" comme les paradis fiscaux a aussi été réaffirmé à cette occasion.
Dimanche, lors du sommet européen de Bruxelles, le président français Nicolas Sarkozy a laissé planer la menace d'une inscription de la Suisse sur une éventuelle liste noire.
Quant à Barack Obama, il a qualifié, après son élection le 4 novembre 2008, les 40 paradis fiscaux de la planète de "problème" auquel il entend s'attaquer.