Dans toute la Suisse romande, les chantiers se multiplient, les prix augmentent, mais ne freinent pas les nouveaux projets. La Banque nationale suisse (BNS) s'est dite inquiète jeudi et a appelé les banques à la prudence.
"Nous voulons que les emprunteurs et les banques comprennent les risques qu'ils prennent. On veut qu'ils soient capables de porter les risques qui sont pris", a précisé au micro de la RTS Andrea Maechler, membre de la direction générale de la BNS. En d'autres termes, il faut être capable de faire face à une hausse des taux d'intérêt.
Selon la BNS, les déséquilibres sur les marchés hypothécaires et immobilier persistent. Tant les prêts hypothécaires que les prix des maisons individuelles et des appartements en propriété par étage ont continué d'afficher une hausse modérée, alors que les prix des immeubles locatifs et résidentiels ont légèrement diminué.
"Nous voyons un risque de correction des prix, qui pourrait vraiment avoir des conséquences de stabilité financière, mais aussi pour l'économie de manière générale", craint Andrea Maechler.
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1000 milliards de dette hypothécaire
Des règles dissuasives ont été mises en place ces dernières années pour freiner la demande: au moins 10% du prix d'achat doivent être financés au moyen de fonds propres durs du preneur d'hypothèque, (soit 10% qui ne proviennent pas du 2e pilier); et le prêt doit être réduit à deux tiers dans les 15 ans.
Ces mesures n'ont pas eu les résultats escomptés. En 2018, les créances hypothécaires ont même franchi pour la première fois la barre des 1000 milliards de francs, en progression de 3,3% par rapport à l'année précédente. En 10 ans, le volume du marché hypothécaire a augmenté de 47%.
La BNS n'est pas la seule à montrer son inquiétude: la Finma, l'autorité de surveillance des marchés financiers, craint elle aussi une surchauffe du marché immobilier. "Le niveau de la dette hypothécaire en Suisse par rapport au produit intérieur brut est l'un des plus élevé au monde", a écrit le gendarme de la finance dans sa fiche d'information publiée en mars.
La Finma rappelle aussi que "les problèmes sur le marché hypothécaire peuvent, comme l'expérience des crises passées l'a démontré, se répercuter rapidement sur les banques et sur l'ensemble de l'économie réelle".
Vers une baisse de la durée d'amortissement
Face aux alertes des autorités, l'Association suisse des banquiers (ASB) s'est dite prête à "procéder à une adaptation de son autorégulation en matière hypothécaire". Interrogée par la RTS, l'ASB rappelle toutefois que les derniers stress tests effectués ont montré que les banques disposaient de fonds propres en suffisance pour faire face aux pertes éventuelles, sans qu'aucun client ne subisse de dommage.
"On constate toutefois que ce marché est devenu dynamique et que la prise de risques des banques a augmenté. Et si cela continue, on pourrait s'attendre à des problèmes", souligne Michaela Reimann, porte-parole de l'ASB.
Pour freiner ce "dynamisme", à savoir empêcher une hausse incontrôlée du volume d'hypothèques, toutes les mesures possibles sont à l'étude et l'ASB n'en exclut aucune: "Parmi les éléments concrets figure la durée de l'amortissement, qui devra probablement être réduite", ajoute la porte-parole.
Un groupe de travail, mandaté par l'ASB, devrait présenter ses résultats et ses préconisations dans le courant du deuxième trimestre 2019.
Feriel Mestiri et Nicolas Rossé