La ministre de l'Economie rencontrait mercredi à Paris ses
homologues pour parler de la crise économique et financière et des
remèdes à y apporter. La cheffe du Département fédéral de
l'économie (DFE) devait exposer lors de la réunion annuelle du
Conseil de l'OCDE les solutions helvétiques de lutte contre la
crise et le chômage.
Communication transparente
Mais elle devait aussi profiter de l'occasion pour "exprimer son
attachement à une politique de communication transparente vis-à-vis
des pays membres", selon un communiqué de son département. La
situation semble d'ailleurs s'être débloquée (lire
ci-contre).
Après l'inscription début avril par le G20 de la Suisse sur la
"liste grise" des paradis fiscaux, les autorités helvétiques se
sont en effet plaintes auprès du secrétaire général de l'OCDE Angel
Gurria de ne pas avoir été mises au courant des échanges
d'informations fiscales entre les deux organisations. Et pour
marquer son mécontentement, la Suisse a bloqué le versement de
136'000 euros à l'OCDE.
Au lendemain de la réunion de Berlin, où les Etats de l'UE et de
l'OCDE se sont mis d'accord pour lutter davantage contre la
soustraction fiscale, avec la participation de la Suisse, ce thème
a à nouveau été abordé à Paris. En prélude à la réunion
ministérielle, le secrétaire d'Etat aux affaires économiques
Jean-Daniel Gerber a participé à un débat sur la lutte contre la
fraude fiscale (voir ci-contre).
Leuthard veut les mêmes règles pour tous
Le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, s'est quant à lui
à nouveau félicité "des progrès" de la Suisse. Sommée de signer
d'ici septembre douze conventions de double imposition selon les
critères de l'OCDE afin d'être rayée de la "liste grise", la
Confédération en a déjà paraphé sept, dont le dernier avec le
Japon. Un autre accord est en préparation avec l'Allemagne.
Mais pour la Suisse, il est maintenant important que les mêmes
règles s'appliquent à tous. Doris Leuthard a annoncé au cours de la
réunion ministérielle que Berne déposera officiellement le 1er
juillet une demande de surveillance du respect des standards de
l'OCDE. "Il faut des lignes claires pour toutes les places
financières du monde afin que la Suisse soit traitée correctement
et comme les autres pays", a déclaré la conseillère fédérale. Un
avis partagé par Luc Frieden, ministre luxembourgeois du Trésor et
du Budget, pour qui c'est de cette manière seulement que la
concurrence reste juste et équitable.
Cycle de Doha au menu
Les ministres en charge de l'économie profiteront aussi de leur
présence commune à Paris pour mener jeudi une discussion informelle
sur le Cycle de Doha, qui vise à renforcer la libéralisation du
commerce. Après les récentes élections aux Etats-Unis et en Inde,
ils veulent faire "le point" et "discuter de la meilleure manière
de faire avancer le round", selon le DFE.
Au début du mois, le directeur général de l'Organisation mondiale
du commerce (OMC), Pascal Lamy, a en effet indiqué que le Cycle de
Doha pourrait être conclu l'an prochain. Selon lui, les nouveaux
représentants du commerce de l'Inde et des Etats-Unis, pays qui ont
jusqu'à présent contribué au blocage des négociations, "se sont
clairement engagés" dans ce sens.
L'OCDE REVISE A LA BAISSE SES PREVISIONS POUR LA
SUISSE
L'économie devrait enregistrer un recul de 2,7% en 2009 et ne se
redressera que lentement en 2010, selon la dernière évaluation
publiée mercredi à Paris. L'Organisation de coopération et de
développement économique recommande à la Suisse de prendre des
mesures ciblées contre le chômage.
Les prévisions de l'OCDE se rapprochent désormais des chiffres
avancés par d'autres experts en Suisse. Suite à la récession
mondiale, son produit intérieur brut (PIB) devrait reculer de 2,7%
et non de 0,2% comme annoncé précédemment. En 2010, une baisse de
0,2% est également attendue.
"La forte contraction de l'activité économique devrait persister
jusqu'à la fin de 2009, en raison du recul des échanges mondiaux",
relèvent les experts de l'OCDE. La lente reprise attendue dans le
courant de 2010 sera alimentée "par l'amélioration progressive des
exportations, notamment vers l'Asie orientale". Le chômage devrait
dépasser 5% l'an prochain et non de 4,5% comme l'annonçaient les
dernière prévisions. Les prix pourraient décroître vers la fin
2010.
"Compte tenu d'un faible taux d'utilisation des capacités et d'un
risque de déflation, les taux d'intérêt directeurs devraient rester
proches de zéro", soulignent les experts. Ils recommandent donc de
nouvelles mesures de relance budgétaire afin d'atténuer le risque
de déflation.
"Afin d'éviter que le chômage ne s'enracine, il faudrait améliorer
les incitations des cantons à placer plus rapidement les chômeurs
et à assurer une offre suffisante de places d'apprentissage". Comme
la durée moyenne de la période de chômage est relativement longue,
une vague de licenciements pourrait faire monter le taux de chômage
largement au-dessus des prévisions, ont cependant mis en garde les
experts.
Par ailleurs, le taux de chômage élevé pourrait se maintenir plus
longtemps si l'immigration et le flux des frontaliers se comporte
de manière moins procyclique que lors d'autres périodes de
récession. En d'autres termes, la Suisse a pu par le passé
maintenir un taux plus bas grâce au retour dans leur pays de
chômeurs étrangers.
Les experts de l'OCDE considèrent comme modestes les impulsions
fiscales consenties par la Confédération et les cantons pour
soutenir la conjoncture. Selon eux, la politique fiscale 2010 sera
neutre. Un éventuel troisième paquet conjoncturel n'est pas pris en
compte. Le renchérissement en 2009 devrait se solder par une valeur
négative de 0,2%, avant de remonter à 0,7% en 2010.
ats/hof
L'OCDE promet davantage de transparence
Angel Gurria a écrit à la Suisse qu'à l'avenir les Etats membres de l'OCDE seront informés avant le G20 ou toute autre organisation de toute action les concernant, a annoncé mercredi à Paris Doris Leuthard.
Le secrétaire général de l'OCDE répond ainsi à une exigence de la Suisse. Celle-ci était en effet fâchée contre l'OCDE d'avoir fourni des informations au G20 qui ont servi à son inscription sur la liste grise des paradis fiscaux.
En écrivant que cela ne sera plus le cas à l'avenir, "nous avons maintenant une garantie qui permet d'être confiants", a déclaré la conseillère fédérale Doris Leuthard à son arrivée à la réunion des ministres de l'OCDE à Paris.
Il s'agit donc maintenant de "calmer le jeu" tout en restant "prudents". Dans ce sens, la Suisse maintient le blocage des 136'000 euros qu'elle doit verser à l'OCDE pour sa collaboration avec le G20.
Doris Leuthard veut attendre le sommet du G20 en septembre avant de payer, "jusqu'à ce que l'OCDE et les autres pays nous traitent correctement".
La Suisse parle coopération fiscale
Renforcer la lutte contre la soustraction fiscale est important. Mais ce mouvement ne doit pas faire oublier les mesures protectionnistes sur les marchés financiers, a critiqué mercredi à Paris le secrétaire d'Etat suisse Jean-Daniel Gerber.
Intervenant lors du Forum de l'OCDE, qui précède la réunion ministérielle, Jean-Daniel Gerber a rappelé que la Suisse était prête à respecter les standards de coopération en matière fiscale. Il y a une nécessité d'accroître la transparence et l'intégrité, a-t-il reconnu.
Mais les tentations au protectionnisme vont aussi à l'encontre de l'intégrité des marchés financiers, a expliqué en substance le secrétaire d'Etat, appelant l'OCDE à intervenir.
Parmi celles-ci figurent le projet de loi allemand de lutte contre l'évasion fiscale ou celui de l'UE d'exclure les banques ou les assurances qui ne sont pas issues d'un Etat membre.
Dans le même ordre d'idée, Luc Frieden, ministre luxembourgeois du Trésor et du Budget, s'est dit d'accord d'établir des règles, pour autant qu'elles s'appliquent partout de la même manière.
De cette manière, la concurrence reste juste et équitable, selon lui. Il s'est donc dit surpris de voir certains pays figurer sur la "liste blanche" alors qu'ils ne pratiquent pas forcément une totale transparence et intégrité en matière fiscale.
Comme la Suisse, le Luxembourg a été inscrit sur la "liste grise" des paradis fiscaux et doit, pour en être rayé, signer douze accords d'échange d'informations conformes aux règles de l'OCDE.