En pleines tensions commerciales avec Pékin, le président américain a interdit cette semaine aux groupes américains de commercer dans les télécommunications auprès de sociétés étrangères jugées dangereuses pour la sécurité nationale, une mesure qui cible notamment Huawei, le géant chinois des télécommunications, bête noire de Washington. Cela interdit en particulier les partages de technologies.
Le groupe figure nommément dans une liste d'entreprises suspectes auprès desquelles on ne peut commercer qu'après avoir obtenu un feu vert des autorités, établie par le ministère américain du Commerce. "Nous nous nous plions à ce décret et examinons ses implications", a indiqué Google dans un courriel à l'AFP.
Huawei contraint d'utiliser la version "open source"?
Les implications peuvent donc en l'espèce être importantes puisque comme tous les groupes technologiques, Google doit collaborer avec les fabricants de smartphones pour que ses systèmes soient compatibles avec les téléphones.
Ainsi Google va devoir stopper les activités qui supposent un transfert de technologies qui ne sont pas publiques (c'est-à-dire en "open source"), ce qui contraindrait le fabricant chinois à n'utiliser que la version "open source" d'Android, a expliqué à l'AFP une source proche du dossier. Huawei ne pourra plus accéder aux applications et services propriétés de Google, comme Gmail, Google Maps ou la plateforme de vidéos YouTube, par exemple.
Certes, ces dernières devraient rester actives au moins dans un premier temps. Mais, tant que le décret sera en place, Huawei sera obligé de procéder en interne aux mises à jour depuis Android Open Source Projet - la version libre de droits -- et ses clients devront faire de même. Il n'est donc pas certain que groupe chinois puisse, à l'avenir, continuer à proposer Android et toutes les applications en découlant, à l'instar de la très populaire plateforme de vidéos YouTube.
Huawei n'a pas réagi, mais a dénoncé cette semaine des "restrictions déraisonnables qui empiéteront sur les droits" du groupe chinois. Samedi, Ren Zhengfei, son fondateur et patron, avait assuré que l'entreprise n'avait "rien fait qui viole la loi", ajoutant que le décret aurait des conséquences limitées.
Google, pas seul
Selon Bloomberg News, citant des personnes proches du dossier, plusieurs fournisseurs américains de premier plan, tels que le géant des micro-processeurs Intel, le fabricant de puces Qualcomm ou encore Broadcom, ont informé leurs employés qu'ils cesseraient de fournir Huawei jusqu'à nouvel ordre.
Compte tenu de la "très forte dépendance" du leader chinois à l'égard du marché américain des semi-conducteurs, une telle suspension des livraisons pourrait "obliger la Chine à retarder la construction du réseau de la 5G jusqu'à ce que l'interdiction soit levée", estime Ryan Koontz, analyste chez Rosenblatt Securities.
Or les Etats-Unis ont justement accru la pression sur leurs alliés pour qu'ils n'achètent pas la 5G à Huawei, pionnier de cette nouvelle génération d'internet mobile très prometteuse.
ats/jfe
Soupçonné d'espionnage
La firme chinoise est depuis longtemps dans le collimateur des autorités américaines, soupçonnée d'espionnage au profit de Pékin qui aurait largement contribué à sa spectaculaire expansion internationale. Au premier trimestre, Huawei a vendu 59,1 millions de smartphones, soit 19% de part de marché, plus que l'américain Apple mais toujours derrière le leader, le sud-coréen Samsung.
Washington redoute en effet que le groupe ne soit un cheval de Troie de la Chine. Le passé militaire de Ren Zhengfei, son appartenance au Parti communiste et la culture opaque qui prévaut chez Huawei ont largement alimenté les soupçons de contrôle de Pékin sur cet acteur stratégique, d'autant qu'une loi votée en 2017 oblige les grandes entreprises chinoises à collaborer avec les services de renseignement du pays.
Au fur et à mesure que Huawei se développait, les États-Unis se sont mis à craindre que les services de sécurité chinois utilisent les réseaux de Huawei à des fins d'espionnage ou pour lancer des cyber-attaques.