Dans les années 70 du siècle dernier, le rituel de la crousille était bien réglé, les Suisses amenaient leurs enfants à la banque pour leur inculquer l'épargne. Sur le mythique carnet d'épargne, on pouvait alors glaner jusqu'à 5% de rendement annuel.
Mais aujourd'hui, l'épargne ne rapporte plus. Au contraire, celui qui possède un compte perd de l'argent.
Prenons l'exemple d'une personne qui possède 100'000 francs d'économies. Les intérêts bancaires lui rapportent aujourd'hui 0,1%. Mais les frais bancaires lui en coûtent 0,1% en moyenne, selon la banque. Avec l'inflation actuelle, la perte de la valeur de l'argent représente 0,6%. Si l'on ajoute à cela l'impôt sur la fortune moyen en Suisse romande de 0,4%, on arrive à une perte de 1000 francs par année. Sur 10 ans, cela représente donc une perte de 10'000 francs.
Prise de risque préméditée
Ce faible rendement pousse les épargnants à réduire leur liquidité et à investir dans des placements financiers, comme des actions, des obligations ou dans l'immobilier.
Roland Bron, directeur de VZ Gestion de fortune pour la Suisse romande, dit observer une nette augmentation des investisseurs qui prennent des risques plus élevés. "Cette prise de risque est voulue par la politique monétaire, qui veut faire investir l'épargne, pour faire entrer le capital dans la circulation de l'économie, afin de stimuler la conjoncture", explique-t-il.
Alberto Gallegos, conseiller patrimonial et prévoyance à la Banque cantonale de Genève (BCGE), a aussi observé un changement d'attitude des investisseurs depuis environ 5 ans. Les aînés ont de la peine à changer, mais les jeunes adultes ont pris le train en route: "Quand j'ai commencé ce métier il y a 20 ans, peu de jeunes de 25 ans investissaient dans des produits dits un peu plus risqués. Aujourd'hui, l'épargne ne rapporte plus rien, donc il faut booster un petit peu le rendement. Et pour cela, il y a des produits dans toutes les banques et compagnies d'assurances."
Un 3e pilier sur deux est plus risqué
Pour la cheffe de la division genevoise de la BCGE Pierrette Jaton, cette appétence au risque, assez contraire au conservatisme helvétique, se manifeste clairement dans le troisième pilier: "Sur les plans qui concernent l'épargne à long terme, notamment les comptes de troisième pilier, les clients optent désormais dans un cas sur deux pour une solution adossée à un fonds de placement qui est plus rémunératrice." Soit des actions et obligations qui sont sujettes aux aléas des marchés financiers.
Les caisses de pensions sont elles aussi soumises à cette problématique et cherchent à réduire leurs liquidités, précise Roland Bron, de VZ. "Les chiffres le prouvent, la part en actions et la part en immobilier ont augmenté ces dernières années. Ils créent une surpondération sur l'immobilier et prennent aussi plus de risques".
Mais les banquiers assurent que sur le long terme, soit sur une période d'au moins 10 ans, l'épargnant serait de toutes façons gagnant à prendre un peu plus de risques.
Philippe Lugassy et Feriel Mestiri