L'objectif général de la circulaire consiste à éviter que les
modes de rémunération n'incitent à une prise de risques excessifs
par pur appât du gain immédiat. Il s'agit de proscrire des
comportements à même de mettre en péril la stabilité des banques et
des compagnies d'assurance notamment, a expliqué mercredi
l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers
(FINMA).
La circulaire, fruit de la polémique née en particulier de la
débâcle de l'UBS sous l'ère Ospel, entrera en vigueur le 1er
janvier prochain. Sans surprise, elle se concentre sur
l'encadrement des rémunérations variables, comme les fameux bonus
montrés du doigt et dénoncés au moment de la crise financière.
Rémunération différée
La FINMA lie la rémunération variable au succès économique de
l'établissement financier, et non plus l'idée de gain économique
comme envisagé initialement. Ce qui signifie que ce type de salaire
est à considérer comme une participation des employés aux
résultats, en intégrant les notions de risque et de
durabilité.
En revanche, et contrairement aux voeux de certains, la FINMA ne
fixe pas de plafond aux rémunérations variables. Elle estime que
l'élargissement des critères de définition (coûts et état du
capital, risques encourus par les bailleurs de fonds propres et
actionnaires, niveau des liquidités) jouera un rôle
limitateur.
L'organe veut aussi éviter les versements immédiats en faveur des
plus hauts dirigeants, en souhaitant "qu'une grande partie de la
rémunération variable soit versée sous forme différée et donc liée
au risque". Le but vise à faire prendre conscience des risques en
sensibilisant à l'évolution future de la banque par exemple.
Douze établissement concernés
En ce qui concerne le champ
d'application, la FINMA rendra impérative sa circulaire aux sept
plus grandes banques (dont UBS, Credit Suisse, Raiffeisen ainsi que
les banques cantonales vaudoise et de Zurich) et les cinq plus
grands assureurs (dont Zurich, Swiss Life et Swiss Re). Elle ne les
cite toutefois pas nommément.
L'autorité a renoncé à limiter l'application à l'UBS et au Credit
Suisse, comme certains l'exigeaient. Elle a opté pour une solution
moyenne en comptant douze sociétés et en sortant les autres, même
si elles sont tenues de la respecter, afin de leur éviter des
"frais disproportionnés de mise en oeuvre" vu leur petite
taille.
La FINMA signale qu'à l'avenir elle gardera l'oeil davantage
ouvert sur les rémunérations "dans son processus de surveillance
basé sur les risques". Reste que la version définitive de la
circulaire ne diffère guère de celle mise en consultation cet été,
sauf pour le champ d'application et l'idée de succès
économique.
Davantage de transparence
Au-delà, l'autorité "milite" pour un renforcement de la
discipline de marché. Elle attend de même beaucoup des conseils
d'administration, tenus désormais de faire connaître la politique
de rémunération aux actionnaires et investisseurs, via la
publication d'un rapport ad hoc.
Les collaborateurs ne sont pas oubliés. La FINMA demande pour eux
la publicité sommaire de la structure des rémunérations de tous les
employés d'une banque ou d'un assureur. En revanche, il n'est pas
prévu d'imposer une publicité nominative des salaires.
Le catalogue de règles prudentielles entrera donc en vigueur dans
un mois et demi, au moment où le pire de la crise financière semble
derrière et que banques et assurances relèvent la tête. Se fondant
à la fois sur des dispositions suisses et internationales, il
constituera un test pour un secteur financier mis à rude
épreuve.
agences/dk
Des réactions très contrastées
La circulaire de la FINMA est diversement accueillie dans les milieux politiques. Le camp bourgeois salue les prescriptions mais met en garde contre la concurrence étrangère tandis que le camp rose-vert dénonce le manque de limites pour les salaires et les bonus.
L'UDC apprécie la différenciation entre petits et grands établissements. Mais cela n'élimine toujours de loin pas les risques systémiques encourus par les grandes banques, avertit le secrétaire général du parti Martin Baltisser. Au Conseil fédéral et au Parlement de faire des propositions.
Le PDC approuve le fait que les salaires soient fixés sur le succès économique à long terme de l'entreprise. La Suisse joue un rôle de pionnière dans le domaine de la rémunération, mais elle doit veiller à ce que les autres pays suivent. Tout comme la FINMA, le PDC refuse le plafonnement des salaires.
Le PLR rappelle que la FINMA reprend les exigences qu'il avait déjà formulées, à savoir l'accord sur les malus et la rémunération sur la base des risques économiques pris. Ces mesures sont certes dures, mais calculées.
Pour le PS, le texte de la FINMA est un leurre destiné à masquer son embarras: l'autorité de surveillance ne veut pas que les rémunérations incitent à prendre des risques inappropriés, mais elle rate le coche en refusant de limiter les salaires maximaux.
Pour le parti, le peuple donnera un signal fort en approuvant l'initiative contre les rémunérations abusives - soutenue par le PS et le texte «1:12 pour des salaires équitables» des Jeunes socialistes qui vise à limiter la différence entre hauts et bas revenus dans les entreprises.
Les Verts relèvent également l'absence de plafond des salaires et des bonus. La prise de risques inappropriés continue d'exister, constatent-ils. La FINMA et avec elle le Conseil fédéral ne semblent pas avoir tiré de leçons de la crise financière.
L'Association suisse des banquiers (ASB) réagit favorablement à la circulaire de la FINMA sur les systèmes de rémunération du secteur financier. Elle salue la différenciation opérée entre petites et grandes banques ainsi que l'absence de plafonnement de la part variable.
Thomas Minder, qui a lancé l'initiative contre les rémunérations abusives, voit les directives de la FINMA comme la plus mauvaise des options. L'Etat se mêle de droits qui reviennent en principe aux propriétaires: les rémunérations doivent être l'affaire des actionnaires, puisque dans ce domaine les conseils d'administration ont échoué par le passé.
Nouveau système, mêmes pratiques
Les nouvelles directives émises par la FINMA, qui lient le versement des bonus au succès économique sur la durée, sont similaires aux règles édictées par le G20. Cette exigence de vision à long terme n'empêche toutefois pas le versement de rémunérations faramineuses, comme le montre l'exemple du Credit Suisse.
En effet, selon la NZZ am Sonntag du 27 septembre, Brady Dougan, le patron du géant bancaire, devrait voir, en 2010, une prime de 43 millions de francs s'ajouter à son salaire de base pour 2008. A noter que le Credit Suisse a perdu 8,2 milliards de francs l'an dernier et que son plan de rémunération respecte les règles du G20.