Deux nouvelles qui ont fait plonger les marchés mondiaux (voir
ci-contre). Comme elle l'avait annoncé quelques heures
plus tôt, Lehman Brothers a demandé la protection du chapitre 11
de la loi américaine sur les faillites devant un tribunal de New
York. Le monde de la finance craint désormais une contagion de la
crise au niveau mondial (voir "Faillite de Lehman Brothers: contagion?" )
Fondée il y a 158 ans
Une procédure qui permettra à la banque d'investissement fondée
il y a 158 ans de se restructurer sans subir la pression de ses
créanciers. Lehman, un des fleurons de Wall Street, qui emploie au
total 28'000 personnes dans 23 pays, a l'intention de vendre une
partie de ses activités.
Plombée par le poids de 60 milliards de dollars (41,7 milliards
d'euros) d'avoirs immobiliers dans un secteur en crise, Lehman
Brothers avait vu s'envoler dimanche son dernier espoir d'éviter la
procédure de faillite après que la banque britannique Barclays eut
finalement renoncer à son rachat.
Alors que sa santé financière s'est détériorée ces derniers mois
-l'action a chuté de 95% depuis le début de l'année, à 3,65
dollars-, Lehman a "exploré diverses options pour restructurer ses
opérations, réduire sa structure de coûts globale et améliorer ses
performances", précise son directeur financier Ian Lowitt, dans une
déclaration écrite.
Double approche
Selon lui, la direction de la banque privilégie une double
approche pour sauver l'entreprise: vendre la division gestion des
investissements et séparer les actifs immobiliers affectés par la
crise des crédits hypothécaires à risques ("subprimes") du reste de
la société.
Signe de la précipitation de Lehman à recourir au chapitre 11, la
banque d'affaires n'avait pas encore lundi matin transmis les
documents habituellement remis au premier jour d'une telle
procédure, par exemple pour demander l'autorisation de continuer à
payer ses employés. Lehman a indiqué qu'au 31 mai, elle affichait
des avoirs d'un montant de 639 milliards de dollars (450 milliards
d'euros), mais aussi 613 milliards de dollars (432 milliards
d'euros) de dettes.
Rachat de Merrill Lynch
Par ailleurs, on a appris lundi la
disparition prochaine d'un autre géant de la finance américaine,
Bank of America ayant annoncé le rachat de la société de courtage
Merrill Lynch. La transaction devrait s'opérer début 2009 via un
échange d'actions estimé à 50 milliards de dollars (35 milliards
d'euros).
Comme nombre de sociétés financières américaines, Merrill Lynch a
été affectée par la crise du crédit. La firme a enregistré quatre
trimestres consécutifs de pertes et a vu son action baisser. La
chute de Lehman Brothers et de Merrill Lynch, qui survient 14 mois
après le début de la crise du crédit, fait craindre de nouvelles
déconfitures dans le secteur financier américain.
Le président George W. Bush a assuré lundi que son administration
"travaille à réduire les perturbations et à minimiser l'impact de
ces développements (...) sur l'économie". Le chef de la Maison
Blanche a indiqué que le gouvernement fédéral n'interviendrait pas
pour renflouer les firmes de Wall Street menacées. "Les décideurs
politiques vont se concentrer sur la santé du système financier
dans son ensemble", a-t-il précisé.
De son côté, le candidat démocrate à l'élection présidentielle
Barack Obama a évoqué "la plus grave crise financière depuis la
Grande Dépression", qui avait suivi le krach de 1929 à la bourse de
New York.
Après l'effondrement de Lehman Brothers, l'assureur américain AIG
pourrait être la prochaine victime de la crise financière à Wall
Street du fait de sa forte exposition à des produits financiers à
risque. L'action d'American International Group (AIG) chutait de
50% à l'ouverture de la Bourse de New York lundi.
Depuis le début de l'année, l'assureur à perdu 90% de sa valeur en
Bourse. AIG doit lever 20 milliards de dollars (22,6 milliards de
francs) pour faire face à ses engagements envers les investisseurs,
s'il veut continuer à fonctionner. Selon le «New York Times»,
l'ex-numéro un mondial de l'assurance a même demandé à la Réserve
fédérale (Fed) de lui consentir un prêt relais de 40 milliards de
dollars.
AIG prochaine victime?
AIG, premier assureur américain, a des activités très diverses.
Le groupe est notamment présent dans le leasing (location-vente)
d'avions, les prêts immobiliers et les prêts à la
consommation.
Il détient surtout une filiale spécialisée dans les activités de
marchés, AIG Financial Products Corp. (AIGFP), qui s'apparente à
une banque d'investissement. C'est de cette filiale que viennent
les principales difficultés du groupe qui a affiché une perte nette
de 18 milliards de dollars au cours des neuf derniers mois.
ap/cab/cht
Lourdes pertes sur les marchés
Les marchés boursiers du monde entier ont subi lundi de lourdes pertes.
A New York, le Dow Jones a terminé en perdant 4,33% et le Nasdaq 3,60%.
A la Bourse de Francfort, première place européenne, le DAX a clôturé en cédant 2,74%.
A Paris, le CAC-40 a dégringolé pour terminer en recul de 3,78% et, à Londres, le Footsie-100 a lâché 3,92%. La même tendance a régné sur toute l'Europe.
A la Bourse suisse, l'action UBS, la banque étant elle-même très affectée par les effets de la crise du crédit aux Etats-Unis, a dévissé de 14,5%. Le Swiss Market Index (SMI) a finalement clôturé en perdant 3,83% à 6939,11 points.
Partout les valeurs bancaires et financières, y compris les assureurs, étaient particulièrement affectées.
Dans le même temps, le pétrole glissait à moins de 92 dollars le baril à Londres et moins de 95 dollars le baril à New York, du jamais vu depuis février, sur fond de craintes d'une chute de la demande d'énergie et de l'affaiblissement de l'économie mondiale.
Les banques centrales en action
La Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d'Angleterre (BoE) sont intervenues dans la matinée pour tenter de calmer les marchés en injectant des liquidités, respectivement 30 milliards d'euros (48 milliards de francs) et 5 milliards de livres (10 milliards de francs).
La Banque nationale suisse (BNS) a indiqué de son côté suivre également la situation avec attention. Elle a dit veiller à un approvisionnement «suffisamment généreux et flexible» du marché monétaire.
Par ailleurs, le franc a une nouvelle fois joué son rôle de valeur refuge. Il s'est ainsi renforcé de 3 centimes lundi vis-à-vis du dollar, avant de perdre un peu du terrain gagné.
Vendredi, le billet vert s'échangeait à 1,1333/36 franc, soit une quinzaine de centimes au-dessus des plus bas niveaux historiques inscrits ce printemps. Lundi matin, il a reculé jusqu'à 1,1058 franc, puis s'est ressaisi pour valoir un peu plus de 1,12 franc en début de soirée.
Le franc s'est également affirmé face à l'euro, la monnaie unique européenne repassant lundi sous la barre de 1,60 franc, tout près même de 1,59 franc.