L'Office fédéral de la statistique (OFS) a publié lundi ses
premières estimations. La baisse de la rémunération moyenne du
travail agricole par emploi devrait être de l'ordre de 4,1%. Elle
est inférieure aux 7,6% pour la simple raison que le nombre
d'emplois recule et ce sont donc moins de personnes qui se
partagent le revenu.
Cette baisse des emplois ne compense donc pas le recul de 5,4% de
la rémunération du travail dégagée par le secteur agricole. Ce
revenu du travail est formé par le cumul de la rémunération des
personnes salariées avec le revenu net d'entreprise, qui rémunère
principalement le travail des personnes indépendantes, précise
l'OFS.
Pour ce qui est du volume de travail, la réduction serait
d'environ 1,3% par rapport à 2008. Et si le revenu par unité de
travail recule de 4,1%, il devrait toutefois rester supérieur au
niveau obtenu en 2007, observe encore l'OFS.
Marchés touchés de plein fouet
C'est qu'en 2008, la demande mondiale en matières premières et
alimentaires était forte et les prix élevés, alors que 2009 sera
une année marquée par la crise. Céréales, oléagineux et produits
laitiers sont repartis à la baisse. Environ 48% de la valeur de
production de l'agriculture suisse est issue de la production
animale, dont près de la moitié de la production laitière.
En 2008, par les effets conjugués des hausses du prix et des
quantités livrées, la production laitière enregistrait le meilleur
résultat depuis 1998 (près de 2,7 milliards de francs). Pour 2009,
plusieurs facteurs influencent le marché du lait, note l'OFS. Au
niveau international, la contraction de la demande contribue
notamment à la baisse du prix des céréales et des oléagineux, mais
aussi à celui du lait par le biais des produits laitiers
transformés.
Recul de 450 millions
En Suisse, le contingentement laitier, introduit il y a plus de
30 ans, est abandonné, et le niveau de production de 2008 maintenu.
En définitive, le prix du lait a chuté en moyenne de plus de 10
centimes par kilogramme (-13%) en une année, pour se retrouver dans
la tendance baissière observée depuis plusieurs années.
Malgré des quantités produites comparables, le recul cumulé de la
valeur de production laitière et bovine par rapport à 2008 est
estimé à plus de 11%. Soit un manque à gagner de 450 millions de
francs. Selon l'OFS, la diminution du nombre d'exploitations et
d'emplois dans l'agriculture va se poursuivre en 2009.
Hécatombe d'exploitations
«La situation est
extrêmement inquiétante», a indiqué Valentina Hemmeler, secrétaire
syndicale à Uniterre. Le prix du lait payé au producteur a baissé
de 20 centimes, passant de 76 à 55 centimes, voire au-dessous.
Celui des céréales également, or ce sont souvent les même
producteurs, qui sont ainsi doublement touchés. Certains se
tournent vers la viande, poursuit-elle, ce qui ne fera que reporter
le problème.
La disparition des exploitations, qui était de l'ordre de 3% par
an, risque de s'accélérer: «Nous craignons une hécatombe». A raison
de six ou sept qui ferment boutique chaque jour en Suisse, avec
deux emplois en moyenne, ce sont quelque 5000 emplois par an qui
disparaissent. Une «mort silencieuse» qui, par rapport aux
suppressions de postes dans d'autres secteurs, n'est que rarement
évoquée, comme le relève Valentina Hemmeler.
Révolte paysanne
Confrontés à cette situation dramatique qui touche également
leurs confrères européens, des agriculteurs suisses ont lancé à la
mi-septembre la «révolte paysanne». Défilés de tracteurs, épandage
ou vente directe de lait se sont succédé depuis lors.
agences/cht
Nouvelle régulation du marché demandée à l'UE
Les ministres de l'Agriculture de vingt pays européens, emmenés par la France et l'Allemagne, ont de nouveau réclamé lundi à Bruxelles la mise en place d'une «nouvelle régulation» sur le marché du lait. Ils ont été réunis à l'initiative de la France et de l'Allemagne.
«Nous sommes tous (les vingt) d'accord, sans aucune ambiguïté, pour construire une nouvelle régulation européenne du marché du lait en remplacement du système des quotas», a affirmé le ministre français de l'Agriculture, Bruno Le Maire, à l'issue de cette réunion.
Les vingt Etats, réunis à l'initiative de Paris et Berlin, souhaitent que les relations entre producteurs et industriels soient plus équilibrées, alors qu'aujourd'hui les agriculteurs se plaignent des «diktats» de l'industrie agroalimentaire dans la fixation des prix. Italie, Pologne ou Espagne «Ce qui est nouveau, c'est qu'une majorité qualifiée de pays (de l'UE) sont maintenant favorables à une régulation du marché», s'est félicitée la ministre belge de l'agriculture, Sabine Laruelle.
Outre la France, l'Allemagne et la Belgique, le groupe des vingt pays favorables à la régulation du marché du lait comprend notamment l'Italie, la Pologne et l'Espagne. Ces pays représentent une «majorité qualifiée» au sein de l'UE, de nature à forcer la Commission européenne à présenter des propositions.
Dans un communiqué conjoint, ce «G20» laitier a affirmé vouloir «donner aux producteurs les moyens légaux de s'organiser efficacement» face aux autres acteurs du marché, tels que les industriels. Il a souhaité «rendre les instruments de marché (les subventions) plus efficaces et plus réactifs». Le retour des quotas de production, demandé par une bonne partie des agriculteurs, n'a pas été en revanche à l'ordre du jour de la réunion.
Producteurs en colère à Bruxelles
Plusieurs centaines de producteurs laitiers en colère manifestaient lundi à Bruxelles pour demander des aides face à la baisse des prix. Ils souhaitaient faire pression sur les ministres européens de l'Agriculture réunis dans la ville afin de parler de la crise du secteur.
Les agriculteurs se sont rassemblés au coeur du quartier des institutions européennes, devant le lieu de la réunion ministérielle. L'accès au bâtiment était protégé par un important dispositif de policiers en tenue anti-émeutes, avec barrières métalliques couvertes de fils barbelés et véhicules blindés équipés de lances à eau. Finalement, après discussion, le cortège des manifestants a été autorisé à reprendre son chemin en direction de la capitale de l'Europe.
Les protestataires, réunis à l'appel principalement de la Fédération européenne des producteurs de lait (EMB), accusaient la politique en cours de libéralisation de l'agriculture européenne d'être responsable de la situation, ce que réfute la Commission, pour qui c'est la baisse de la demande de produits laitiers, consécutive à la crise économique, qui est à l'origine du repli des prix.