D'après les chiffres des professionnels, la consommation d'oeufs n'est pas régulière tout au long de l'année. Selon Albert Brand, producteur d'oeufs dans le canton de Fribourg, la chute de 20% enregistrée en été est liée à la diminution de la population durant les grandes vacances. Le phénomène culmine dans le canton de Neuchâtel à l'occasion des vacances horlogères, pendant lesquelles la baisse approche les 35%.
Il y a deux semaines, le quotidien ArcInfo a même révélé que certains producteurs d'œufs bio de la région enregistrent un recul plus conséquent encore, proche des 50%. Au bord du lac de Neuchâtel, de nombreux œufs finissent ainsi au compost.
Forte demande en Valais et au Tessin
Tous les cantons ne sont pas soumis aux mêmes variations. Ainsi, dans les régions touristiques, la hausse de la demande est telle que les producteurs locaux n’arrivent pas à suivre. Une aubaine pour Albert Brand, qui arrive à y écouler une partie de ses excédents: "Mes collègues valaisans ou tessinois me prennent entre 16'000 et 30'000 œufs par semaine, ce qui me permet de bien valoriser ma production, en évitant d’avoir trop de perte", a-t-il détaillé dans le 19h30 de la RTS mercredi soir.
"Certains touristes étrangers mangent beaucoup plus d’œufs que le consommateur suisse", poursuit le producteur, qui participe, avec la faîtière suisse des producteurs d'oeufs et de poulet Aviforum, à des campagnes de publicité pour encourager la consommation d'œufs au petit-déjeuner, à midi ou encore au souper.
Renouveler le cheptel
Outre l'exportation d'oeufs dans les régions où la demande augmente, d'autres stratégies permettent aussi de réduire le nombre d'oeufs pondus. "La première mesure est de renouveler les cheptels quand il y a une baisse de la consommation. Par exemple, après Pâques, on vide un poulailler, on le nettoie, on le désinfecte et on reçoit des nouvelles poules. Ainsi, pendant deux à trois semaines, il n’y a pas de production", explique l'aviculteur fribourgeois.
Il est aussi possible de vendre des œufs cuits, une solution dont l’avantage est de prolonger leur date de péremption. "En été, l'œuf cuit dur marche très bien, notamment pour les pique-niques et les salades", témoigne Albert Brand.
Empêcher les poules de pondre
Une autre possibilité est d’obliger les poules à stopper leur ponte en provoquant, durant l'été, une mue anticipée. Le renouvellement du plumage des oiseaux a en principe lieu l’automne, une période pendant laquelle les poules arrêtent de pondre pour préparer leur plumage d'hiver.
"On va diminuer la longueur des jours en les sortant moins longtemps à l’extérieur, pour parvenir jusqu'à huit heures, voire six heures de lumière, et leur donner un aliment pauvre en énergie et en protéines pendant cette période. Les poules vont alors arrêter de pondre et perdre une partie de leurs plumes. Après deux ou trois semaines, quand on remonte la durée de lumière tout en leur donnant un aliment complet, elles vont recommencer à pondre. C’est comme un lifting. La qualité des coquilles est à nouveau meilleure et les poules peuvent pondre plus longtemps", détaille Albert Brand.
Oeufs en poudre subventionnés
Dernière solution, transformer les œufs en poudre ou en liquide, des produits destinés à l’industrie alimentaire. Pour stabiliser les prix à la consommation, cette opération est d'ailleurs subventionnée par la Confédération, deux fois par année.
En 2019, le montant total alloué se monte à 1,9 million de francs. "La Confédération aide à mettre en valeur les surplus saisonniers, particulièrement après Pâques. Ceci permet d’éviter que des poules pondeuses soient abattues prématurément", confirme le responsable de secteur et chef suppléant d’unité de direction à l’Office fédéral de l’agriculture Niklaus Neuenschwander.
Une révision de la loi agricole est toutefois prévue en 2022. Le Conseil fédéral devrait donner sa marche à suivre cet automne et pourrait remettre en question ces subventions.
Consommation en hausse
Chaque année, la population suisse consomme près de 180 œufs par personne. S'il est en hausse de 2,6% par rapport à l'an dernier, ce chiffre reste inférieur à celui enregistré, par exemple, en Allemagne (230) ou aux USA (276), notamment parce que les Suisses mangent peu d'œufs au petit-déjeuner. La population les utilise plus volontiers pour cuisiner des biscuits ou des gâteaux, des plats préparés essentiellement lors des mauvais jours.
Sujet TV: Miroslav Mares
Adaptation web: Vincent Cherpillod