Guy Parmelin commence par balayer toute crainte de se voir coller à jamais l'image du conseiller fédéral issu de l’agriculture qui a pactisé avec Jair Bolsonaro, le président brésilien qui ravage la forêt amazonienne et autorises l'usage des pesticides à gogo.
"C’est une caricature ou un raccourci saisissant", juge le ministre de l'Economie: "il y a deux ans que le Conseil fédéral a donné le mandat au département que je dirige depuis le 1er janvier de négocier avec nos partenaires de l’Association européenne de libre-échange (Norvège, Islande, Liechtenstein), un accord avec le Mercosur, étant donné que l’Union européenne était en train de faire la même chose."
Risques de pertes d'emplois
Et, aux yeux de Guy Parmelin, "la problématique est très claire pour la Suisse: nous avons des droits de douane en moyenne de 7% avec des pics à 35% avec ce que nous exportons vers les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Si l’UE obtient des réductions - c’est le cas puisqu’ils ont finalisé cet accord et que nous n’avons rien -, nous avons un gros problème de compétitivité avec nos PME et des risques de pertes d’emplois. Je vous rappelle que nous ne discutons pas seulement avec le Brésil, mais avec quatre pays sud-américains. L’Argentine est aussi une puissance économique agricole. Nous sommes avec des collègues de l’AELE, et les Norvégiens, par exemple, ont une sensibilité extrême vis-à-vis de la déforestation (...). Avec cet accord, nous aurons un comité mixte qui nous permettra de suivre et de discuter avec les partenaires et d’essayer d’avoir une influence sur la manière dont on fait de l’agriculture durable dans ces pays."
Accord contesté en Suisse
Mais, en Suisse, l'accord est contesté, notamment au Parlement. Il y a une alliance Verts/gauche/droite écologiste et paysans et ils sont tous mécontents. Peut-être même faudra-t-il aller chercher la ratification voix par voix. "C’est trop tôt pour le dire, je crois qu’il faut laisser l’émotion retomber", estime Guy Parmelin. "Ma mission sera d’aller expliquer les avantages et les problèmes qui restent dans cet accord. On peut toujours essayer de faire mieux, mais par rapport à la situation actuelle où nous n’avons pas d’accord, que ce soit au niveau protection de l'environnement ou durabilité dans ces différents pays, nous obtenons quelque chose de nettement meilleur."
Le conseiller fédéral précise encore que "dès le début, nous avons associé très étroitement les différents milieux, que ce soit les pharmas pour des questions de propriété intellectuelle ou les paysans pour des questions de risques d’envahissement de quantités astronomiques de produits. Le résultat de l’accord est clair: nous n’allons pas ouvrir à tout-va les frontières. Il y a des closes de sécurité prévues."
Xavier Alonso/pym
Fernand Cuche: "A très court terme, l’élevage intensif est condamné à disparaître"
Figure de l’écologie en Suisse romande, agriculteur et ancien conseiller d’Etat neuchâtelois, Fernand Cuche a réagi lundi au 19h30 sur la crise de la forêt amazonienne et l’accord de libre-échange conclu avec l’Amérique latine en insistant sur la nécessité de repenser notre rapport à la terre et à l’alimentation.
Plus globalement, l’ancien député vert au Conseil national s’interroge sur la complexité et la gravité du problème: "Je n’ai pas de raisons de douter que ces pays peuvent offrir toutes les garanties que la Confédération demande. On pose la complexité du problème au mauvais endroit. Sur le fond, de par l’évolution climatique, de par l’évolution du manque de terres arables, la fatigue et la pollution des sols, on doit revenir aujourd'hui aux fondamentaux. On doit s’interroger sur la capacité de chaque pays à produire des aliments. On en arrive très rapidement à la conclusion que l’élevage plus ou moins intensif est condamné à disparaître à très court terme", a-t-il déclaré.
Le marché a été terriblement destructeur
"Au sein de l'OMC, il faudra s’entendre pour définir des dénominateurs communs autres que le marché, car ces dernières années, il est devenu le principal organisateur de nos sociétés. Et du point de vue de la planète, il a été terriblement destructeur."
Aujourd’hui, le bilan qu'on peut faire sur le potentiel naturel de cette planète à produire de l’alimentation nous contraint à revoir, sur le plan mondial, toute l’évolution de la politique agricole. Imaginez qu’en Suisse, on a limité les dégâts depuis une trentaine d’années, en agissant sur la qualité de l’eau, la qualité de l’air. Mais force est de constater qu’après 20 ans de programmes en faveur de la biodiversité, aucun des objectifs n’a été atteint. Cela dit bien à quel point il y a un effort considérable à faire. Dans les pays industrialisés, nous avons les moyens de le faire. Le commerce ne va pas continuer à dicter la marche du monde comme il l’a fait jusqu'à maintenant au profit des multinationales".
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