L'intégration des deux entreprises permettra des synergies
globales de 3,2 milliards de francs, ont indiqué France Telecom
(maison mère d'Orange) et TDC (maison mère danoise de Sunrise). Des
négociations ont commencé dans ce but. Les rumeurs de rapprochement
qui couraient depuis plusieurs mois, notamment dans la presse, sont
ainsi confirmées.
L'entité combinée deviendra un seul opérateur de
télécommunications, mais les deux marques coexisteront dans un
premier temps. "Elles sont très complémentaires sur le marché
suisse, au niveau géographique mais aussi des segments de clients",
a expliqué Tomas Sieber mercredi en conférence téléphonique. "Nous
prendrons donc le temps d'étudier ce volet."
Le contrat final sera signé au cours de la deuxième moitié du mois
de février prochain, ont précisé mercredi France Telecom (FT) et
TDC dans un communiqué commun.
Un concurrent de poids à Swisscom
Le groupe fusionné constituera un concurrent de poids face au
leader Swisscom. Son chiffre d'affaires de 3,1 milliards sera
largement inférieur à celui du géant bleu (12 milliards), mais le
volume de sa clientèle sera solide. Il comptera 3,4 millions de
clients en téléphonie mobile (38% de parts de marché) et 1,1
million en téléphonie fixe et connexion à haut débit (13%). La
nouvelle société élargira son portefeuille de produits offerts à
travers un réseau de plus de 100 boutiques.
Pour le client, ce regroupement implique une moindre concurrence
sur le marché suisse puisqu'il y aura un acteur de moins. Les
parties attendent d'ici au mois de mai la réponse des autorités
compétentes (lire ci-contre). France Telecom et
TDC assurent toutefois que les avantages seront nombreux pour les
consommateurs, comme une meilleure couverture du réseau de
téléphonie mobile ou encore un tissu de succursales plus dense.
Economies attendues
Dans le détail, les économies effectuées du côté opérationnel
pourraient se monter à 200 millions de francs par an. Les coûts
d'intégration cumulés atteindront eux quelque 140 millions. Ces
économies opérationnelles concerneront notamment l'informatique, le
marketing et le personnel. Aucune précision n'est donnée quant à
l'avenir des employés. Orange Suisse, basé à Renens (VD), emploie
1150 collaborateurs et Sunrise, établi à Zurich, en compte
1500.
Les synergies attendues du côté des investissements sont chiffrées
à 570 millions de francs entre 2010 et 2015 (déduction faite des
coûts d'intégration). A partir de 2015, elles devraient permettre
d'économiser quelque 65 millions de francs chaque année.
Le directeur de Sunrise s'en ira
Le conseil d'administration sera composé majoritairement de
représentants de France Telecom, mais également de TDC. La
direction devrait être assurée par Thomas Sieber, actuel chef
d'Orange Suisse.
Le directeur de Sunrise Christoph Brand, restera à son poste
jusqu'à la clôture de la fusion. Il sera ensuite chargé de
superviser la phase initiale de l'intégration, avant d'évoluer vers
d'autres responsabilités à l'extérieur du nouveau groupe.
France Telecom peut racheter le quart restant de Sunrise une année
après la transaction. Sinon, TDC peut vendre cette part à un tiers
deux ans après la transaction. Enfin, il y a possibilité de faire
entrer en bourse la nouvelle entité après trois ans.
Pour France Télécom, le projet s'inscrit dans la lignée de sa
stratégie internationale: il a déjà annoncé récemment s'allier avec
Deutsche Telekom sur le marché britannique. Quant à TDC, la cession
correspond à une volonté de se recentrer sur le marché
scandinave.
Swisscom pas surpris
La fusion entre Orange et Sunrise ne constitue pas une surprise
pour Swisscom. Les observateurs du secteur notent que le
rapprochement des deux concurrents du numéro un suisse des
télécommunications était déjà évoqué depuis quelque temps. La
naissance prévue du nouvel opérateur va renforcer la concurrence, a
dit à l'ATS Sepp Huber, le porte-parole de Swisscom.
Il n'en reste pas moins que le secteur de la téléphonie fixe
continuera de recenser plusieurs concurrents. "Nous pensons que
nous sommes bien armés" pour résister, a-t-il ajouté.
L'action Swisscom était en hausse mercredi, après l'annonce de la
fusion des activités d'Orange Suisse et de Sunrise. Les analystes
estiment que les conséquences seront faibles, voire négligeables,
pour l'action de l'opérateur historique. A 09h48, l'action Swisscom
prenait 1,3% à 394,8 francs. Le SMI gagnait 0,57%.
ats/ap/bri
Transferts de concessions pas encore demandés
La Commission fédérale de la concurrence (Comco), celle de la communication (ComCom) ainsi que l'Office fédéral de la Communication (OFCOM) attendent pour l'heure la notification de la fusion d'Orange et Sunrise. Celle-ci devrait leur parvenir ces prochains jours.
"Nous ne savons pas pour le moment si Sunrise renoncera à ses concessions ou les reprendra. Les détails nous manquent", a indiqué mercredi à l'ATS Roberto Rivola, porte-parole de l'OFCOM. Avec la Comcom, l'OFCOM est en charge notamment de l'octroi des concessions de téléphonie mobile GSM et UMTS.
La ComCom ne peut donner son accord qu'à des entreprises indépendantes, précise pour sa part son secrétaire, Peter Bär. Dans le cas d'une fusion, les partenaires doivent demander le transfert des concessions ou l'annulation de celles qui ne sont plus utilisées. De manière plus générale, outre le respect du cadre légal, la commission veille au maintien d'une concurrence durable et à la sécurité du client.
Egalement consultée par les autorités de régulation du marché des télécommunications, la Comco attend aussi la notification de la fusion pour analyser la transaction.
Une "véritable catastrophe"
Les observateurs ne se font guère d'illusions: les clients ne profiteront pas de meilleurs tarifs. L'ancien surveillant des prix et économiste Rudolf Strahm évoque une "véritable catastrophe", avec un duopole dominant le marché à sa guise.
La Fédération romande des consommateurs (FRC) se montre elle aussi virulente, estimant que les consommateurs resteront des "vaches à lait". Elle est ainsi plus pessimiste que son homologue alémanique, qui voit dans cette fusion l'occasion de battre en brèche la forte position de Swisscom. Mais toutes deux sont d'avis que les autorités doivent empêcher une entente sur les prix.
Le comparateur de prix Comparis juge aussi que les clients seront les grands perdants puisqu'un concurrent gênant est neutralisé.
Le rachat de Sunrise par Orange causera inévitablement de la casse au niveau de l'emploi, estime le Syndicat de la communication. Ce dernier exige l'ouverture immédiate de négociations en vue de la conclusion d'un plan social et de l'instauration d'une convention collective.
La Banque cantonale de Zurich ne voit pas de gros inconvénients pour Swisscom. "La guerre des prix est déjà très intense", selon son analyste Michael Inauen.
La banque Vontobel n'est pas surprise par l'opération. "Nous doutons qu'une pression concurrentielle accrue en résulte, car France Telecom va sans doute dans un premier temps se concentrer sur la réalisation des synergies", estime l'analyste Serge Rotzer.