Les Suisses auraient de grandes attentes concernant leur retraite – qu'elle soit ou non anticipée – mais s'y prépareraient mal: "Il est donc d'autant plus étonnant que la population suisse n'agisse pas, ou si timidement", annonce la présentation de l'étude menée par la Raiffeisen et la Haute école des sciences appliquées de Zurich auprès de plus d'un millier de personnes.
La raison principale de cette non-préparation est que beaucoup de Suisses – les jeunes et les Romands en particulier – estiment que la prévoyance vieillesse n'est pas directement de leur responsabilité. Ils se reposeraient trop sur l'AVS et le deuxième pilier (la LPP).
"Finalement, les gens ont confiance dans le système", analyse Jacques Grivel, fondateur et directeur de la société de gestion Fundo, au micro de La Matinale: "Actuellement, on vit déjà dans une phase de grande facilité. La plupart des gens ont accès à beaucoup plus de choses qu'auparavant. Et cela nous renvoie à l'histoire de la cigale et de la fourmi: on préfère aujourd'hui profiter de la vie, plutôt que d'économiser… c'est toujours un peu plus difficile!"
Pour ce gestionnaire, le fait que les Suisses comptent sur les deux premiers piliers, "c'est la grande réussite du système", car selon lui, l'AVS fonctionne bien: "Elle assume finalement le niveau de base minimum que les gens doivent maintenir; le deuxième pilier sert à maintenir son niveau de vie".
Toutefois, selon certains analystes, l'AVS et la LPP ne couvriraient que 60 à 65% des derniers revenus, alors qu'auparavant, cela représentait une bien plus grosse tranche. Serait-ce de l'ignorance de la part des Suisses? "Oui, on peut parler d'un grand problème de responsabilité, de manière générale, vis-à-vis de la retraite", affirme Jacques Grivel. "On n'a pas envie de s'occuper de ce problème d'incertitude. Les lendemains sont toujours plus compliqués…"
Le professionnel ajoute que les gens doivent s'informer: "Il faut aller voir son conseiller deuxième pilier, se préoccuper de savoir s'il est possible de faire des rachats: il y a énormément de possibilités offertes aujourd'hui aux gens qui ne sont pas utilisées".
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Troisième pilier, rachats et retraite anticipée
Seuls 25% des Suisses possèdent un troisième pilier. Mais pour Jacques Grivel, celui-ci n'est pas forcément nécessaire: "C'est un complément individuel qui a toujours été proposé... Oui, les gens aimeraient une retraite anticipée: c'est en lien avec la pénibilité du travail. Si on n'a pas les moyens de continuer à épargner ou de prendre un troisième pilier, finalement on peut toujours en rêver, mais ça reste un peu vain".
Selon le baromètre publié, un tiers des Suisses disent vouloir prendre une retraite anticipée. Mais comment mieux s'y préparer? "La première chose, c'est la transparence, la communication", explique le gestionnaire: "Aller vers son conseiller et son responsable. Tout Suisse qui travaille a un certificat de prévoyance et il possède des coordonnées pour joindre quelqu'un avec qui en parler. Il y a pléthore d'offres pour des plans complémentaires – 3a ou 3b – qui sont plus commerciales sur le marché. Se préoccuper de sa propre retraite et de ses rachats, c'est déjà un premier pas".
"Votre conseiller deuxième pilier connaît très très bien le système de retraite, il peut définir avec vous vos attentes pour la retraite: c'est important de savoir ce que l'on veut", souligne Jacques Grivel.
"Quand on se compare, on se console"
Avec l'AVS et la LPP, le législateur a toujours voulu qu'au moins 60% du dernier salaire soit couvert: "Et les salaires vont par ailleurs vers l'augmentation", remarque l'interlocuteur de la RTS.
"Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a toujours mieux vécu que nos parents qui, eux-mêmes, vivaient mieux que nos grands-parents. Notre système va en grandissant. Certes, aujourd'hui, il y a quelques enjeux: les taux négatifs en sont un. L'espérance de vie qui va en grandissant en est un autre. Et là, il n'y a pas tellement de solutions que de travailler peut-être un peu plus longtemps".
Le rapport publié par la banque Raiffeisen serait-il donc trop alarmiste? "Vous savez, quand on se regarde, on se désole; quand on se compare, on se console! Regardez la Suisse par rapport aux autres systèmes: nous avons des plans de prévoyance qui sont couverts à 100%, les caisses de pensions ont très bien tenu le choc de 2008. Bien sûr, il y a des problèmes, le chemin n'est pas sans heurts, mais nous avons tout de même un système qui est extrêmement solide: je suis beaucoup plus optimiste que ce que l'on peut lire dans la presse", conclut Jacques Grivel.
Interview radio: Romaine Morard
Adaptation web: Stéphanie Jaquet