Si Paris a décidé de mettre en garde la Suisse, le président
centriste et le rapporteur de la commission des Finances du Sénat
français, Jean Arthuis et Philippe Marini, ont eux annoncé jeudi
qu'ils entendaient déposer dans la journée un amendement pour
inscrire la Suisse sur la liste "noire" des paradis fiscaux.
L'amendement que les deux sénateurs veulent déposer constitue une
"mesure de soutien à l'action courageuse" du ministre du Budget
Eric Woerth "pour lutter contre les paradis fiscaux".
Le texte proposé stipule que "sont également considérés comme
non-coopératifs, à la date du 1er janvier 2010, les Etats ou
territoires qui, à cette date, ont conclu avec la France" une
convention d'échanges d'informations fiscales et "ont manifesté
leur intention de suspendre sa ratification, de ne pas la ratifier
ou de ne pas l'appliquer".
Les Affaires étrangères plus mesurées
Plus mesuré, le porte-parole du ministère français des Affaires
étrangères, Bernard Valero, indique lui que la France a pris acte
que la ratification n'est pas définitivement remise en cause, alors
qu'il était interrogé lors d'un point-presse pour savoir si la
France comptait mettre la Suisse sur une liste noire des paradis
fiscaux qu'elle doit rendre publique au début de l'année
prochaine.
Nous notons que les
autorités suisses n'ont pas évoqué la remise en cause définitive de
la ratification.
Ministère français des
Affaires étrangères
"Nous notons que les
autorités suisses n'ont pas évoqué la remise en cause définitive de
la ratification mais la suspension de l'examen du projet de loi de
ratification. Nous prenons acte du fait que ce processus de
ratification, compte tenu du changement qu'elle représente pour un
Etat comme la Suisse, nécessite de sa part un délai de réflexion
supplémentaire", a-t-il précisé.
Longue période de négociations
"L'officialisation de la suspension de
cette ratification enverrait un signal ambigu sur la volonté de la
Suisse de répondre aux appels à la coopération entre
administrations fiscales et à la levée de la culture du secret,
lancés lors des derniers G20", estime néanmoins Bernard
Valero.
L'objet de l'accord fiscal "est de permettre à la Suisse de se
mettre au niveau des standards internationaux" et "nous espérons
que la ratification de cet avenant, qui fait suite à une longue
période de négociations avec nos amis suisses et qui constitue une
étape importante sur le chemin de la transparence fiscale, ne sera
pas remise en cause ou retardée à l'excès", a-t-il ajouté.
Les données volées ont permis d'établir en France une liste de
contribuables soupçonnés de fraude. La Suisse a annoncé son
intention d'envoyer à ce sujet une protestation officielle à la
justice française. Le Conseil fédéral s'est ému mercredi de l'attitude des autorités
françaises dans cette affaire. Il a estimé qu'utiliser des données
bancaires volées pour lancer des poursuites n'était pas acceptable
dans un Etat de droit. Il veut suspendre la ratification de la
convention de double imposition renégociée facilitant l'échange
d'informations avec Paris.
afp/bri
"Un matériel intéressant"
Les données volées constituent un "matériel intéressant" pour les enquêteurs, a de son côté affirmé le procureur de la République de Nice Eric de Montgolfier jeudi dans le Tages-Anzeiger.
Les données substituées concernent "une longue période et sont constituées de comptes ouverts et fermés sur plusieurs années", a précisé le procureur alors que HSBC indique que ce vol concerne moins de dix noms.
Le procureur de Nice a également souligné que les démarches engagées par les autorités suisses avaient "mis la puce à l'oreille" aux enquêteurs français sur la teneur des documents dérobés, en les aidant à décoder les données sur l'ordinateur de l'ex-employé de HSBC.
Des "péripéties", selon Eric Woerth
Dans un entretien accordé ce jeudi à la RSR, le ministre français du budget Eric Woerth a déclaré "qu'il n'y avait pas de clash diplomatique" entre la France et la Suisse (écouter le son ci-contre).
Il a ajouté, à propos de la suspension par Berne de la convention de double imposition: "Je n'imagine pas que l'accord sur lequel on est tombé soit remis en cause. Il faudra peut-être un peu de temps, il y a des péripéties, mais on fait notre métier (...), chaque gouvernement fait pareil".
Eric Woerth a aussi rappelé l'importance des traités sur la fiscalité négociés avec plusieurs pays qualifiés de paradis fiscaux. Selon lui, les événements actuels ne doivent pas mettre en péril cet "engagement pour le futur".
Questionné sur les méthodes utilisées par le gouvernement français pour obtenir des informations dans le cadre du dossier HSBC, le ministre a affirmé que "tous les moyens ne sont pas bons pour lutter contre la fraude fiscale, il faut utiliser les moyens d'un Etat de droit, c'est ce qu'à fait la France. Nous avons fait les choses dans les règles de l'art".
RSR /Joëlle Meskens /ad