Le Ghana et la Côte d'Ivoire se sont unis cet été pour la première fois pour tenir tête aux acteurs de la filière du cacao, notamment les suisses Barry-Callebaut et Nestlé, qui pèsent à eux deux pour plus de 60% de la production mondiale. Le Ghana et la Côte d'Ivoire veulent ainsi imposer aux industriels du secteur un prix plancher: 2600 dollars la tonne.
Les 800'000 cultivateurs de Côte d'Ivoire ne touchent actuellement que 6% du prix de vente d'une tablette de chocolat, pour des revenus de 150 euros par mois en moyenne. Une rémunération très faible pour faire vivre toute une famille.
L'industrie du cacao ne doit pas commenter ou donner son avis sur ce que nous faisons, ils doivent juste comprendre. Nous cherchons un prix pour que nos fermiers vivent décemment.
Yves Koné, président du Conseil Café Cacao ivoirien, a annoncé récemment un nouveau mécanisme de fixation des prix: "un montant de 400 dollars la tonne, différentiel de revenu de subsistance, a été institué pour garantir le prix plancher". Le mécanisme, flou, qui n'a pas encore détaillé.
A mi-septembre, après une journée de négociations à Abidjan avec les acteurs de la filière au sujet de la durabilité, les industriels ont refusé de s'exprimer devant la presse. Pourtant, prévient le président ghanéen du Cocoa Board, Joseph Aidoo, cette fois ils n'auront pas le choix, ils devront payer. "L'industrie du cacao ne doit pas commenter ou donner son avis sur ce que nous faisons, ils doivent juste comprendre. Nous cherchons un prix pour que nos fermiers vivent décemment", déclare-t-il.
"Hypocrisie"
Les spécialistes sont d'accord pour affirmer que les industriels qui dégagent de très gros profits rechignent injustement à mettre la main au porte-monnaie.
François Ruf, économiste au Cirad, un centre de recherche en développement, dénonce aussi l'hypocrisie des responsables africains, qui instrumentalisent la question du prix plancher à un an et demi des élections afin de convoiter le vote des planteurs. "2600 dollars la tonne, on y est déjà. On est à 2550, donc c'est de la rigolade. Il y a un effet d'annonce, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il y a des préoccupations électorales, il y a l'échéance 2020... Il faut commencer à préparer le terrain", estime le chercheur.
Et puis les cultivateurs sont aussi fortement taxés par l'Etat. "Ce sont des gens qui gagnent 2000€ par an, on les taxe à 35%, et ils ne peuvent rien dire parce qu'ils ne sont pas organisés", ajoute François Ruf.
En 1988, l'ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny avait tenté un bras de fer avec les industriels en refusant de vendre la récolte de cacao. Mais la démarche s'était soldée par un échec.
François Hume/jvia