En décembre, Claude Beglé avait expliqué dans la presse vouloir
permettre à La Poste de gagner de l'argent à l'étranger afin de
financer la desserte de base dans toute la Suisse.
Une vision contestée par plusieurs membres du conseil
d'administration. Rolf Hug a ainsi tout d'abord annoncé sa
démission, suivi mardi par Wolfgang Werlé . Le directeur Michel Kunz a aussi quitté
le navire en décembre pour "divergences de vue". Les partis
politiques ont rapidement réagi à ces bisbilles à La Poste.
Critiques du PS et de l'UDC
Pour le PS, il est clair que toute expansion à l'étranger est à
exclure. C'est trop risqué, a déclaré son président Christian
Levrat, également membre de la commission des télécommunications.
Selon lui, La Poste ne dispose pas des compétences, de la taille et
des moyens financiers nécessaires pour être active à
l'étranger.
Et d'affirmer que l'initiative "pour une poste forte" lancée par
son parti avec les syndicats est plus que jamais nécessaire. Ce
texte, qui sera déposé en avril, veut garantir le monopole du géant
jaune, en le finançant notamment par une banque postale.
L'UDC également ne veut pas que La Poste suive une stratégie
risquée à l'étranger, indique-t-elle dans un communiqué en
rappelant les expériences ratées de Swissair et de Swisscom. Le
rôle de service public de La Poste est en Suisse, dans un marché
libéralisé.
Selon elle, la Confédération, soit le DETEC et si besoin le
Parlement, doit rapidement définir une marche à suivre claire,
quitte à procéder à un changement à la tête du conseil
d'administration. L'UDC entend déposer toute une série
d'interventions à la session de printemps.
Problème de communication
Le ton est plus mesuré dans les partis du
centre. Pour Markus Hutter (PLR/ZH), Claude Béglé doit maintenant
communiquer sa stratégie, notamment à la commission des
télécommunications, dont il est le vice-président. Ce qui se passe
au sein du conseil d'administration est négatif, a-t-il
ajouté
mercredi. Le manque de stratégie claire, aussi dans la
communication, est une faute avant tout de son président.
Markus Hutter se refuse toutefois à spéculer sur l'avenir de
Claude Béglé. Il n'est pas exclu que la stratégie que ce dernier
entend développer soit la bonne. Mais pour cela il faut la
connaître, a-t-il dit.
De son côté, le conseiller aux Etats Peter Bieri (PDC/ZG), membre
de la commission des télécommunications, rappelle que les remous
actuels tombent en plein révision de la loi sur la poste. Les
projets à l'étranger ne correspondent pas au projet en cours,
souligne-t-il. Il faut donc que la stratégie de Claude Béglé soit
maintenant dévoilée et si besoin le projet de loi revu en
conséquence.
Claude Béglé ne s'exprime pas
A la suite de l'annonce du départ de Wolfgang Werlé, le DETEC,
en charge de La Poste, a précisé qu'une réflexion de fond sera
menée à l'occasion du renouvellement ordinaire intégral du conseil
d'administration, qui aura lieu ce printemps. Y compris sur le
président du conseil. Une démarche saluée par les syndicats de la
communication et transfair, qui demandent une clarification rapide
ainsi que la mise en place d'objectifs clairs pour La Poste.
Sollicité par l'ats, Claude Béglé s'est refusé à prendre position.
La Poste a toutefois rappelé dans une prise de position adressée à
l'agence de presse que si elle entend rester "en bonne santé à
l'avenir, elle doit aussi se développer à l'étranger", en achetant
des sociétés ou sur la base de partenariats. "Le risque reste
toujours calculé".
Deux domaines d'expansion sont définis: les services financiers et
les prestations liées à la gestion des informations. Et le géant
jaune d'assurer que son conseil d'administration élabore la
stratégie "progressivement, en étroit accord" avec la direction et
la Confédération.
ats/boi
C'est Berne qui est responsable de La Poste
Une éventuelle expansion de La Poste à l'étranger pourrait réveiller les mauvais souvenirs liés à Swissair, avec un trou de plusieurs milliards dans les caisses fédérales.
Selon le droit actuel, toute aventure à l'étranger doit être endossée par Berne.
La Confédération est responsable de tous les engagements de La Poste qui fonctionne aujourd'hui comme une entreprise de droit public.
Une situation qui est davantage problématique pour PostFinance et ses engagements financiers que pour les activités de transport de paquets et de lettres.
La révision de la loi sur la poste, actuellement traitée par le Parlement, prévoit justement de transformer le géant jaune en une société anonyme détenue majoritairement par la Confédération et de lever graduellement la garantie d'Etat.
Dans son message, le Conseil fédéral justifie notamment cette transformation par les risques financiers liés à PostFinance, qui devrait devenir une filiale indépendante sous la surveillance des marchés financiers.
Selon le Conseil fédéral, cette solution devrait permettre à La Poste et à PostFinance d'être indépendantes financièrement, un point non contesté pour l'heure au Parlement.
Mais cela signifie aussi que La Poste devrait prendre à sa charge les coûts liés à une éventuelle stratégie d'expansion à l'étranger.
Et si celle-ci tourne à l'échec, l'entreprise ne pourrait plus que recourir à ses propres réserves. La Confédération ne serait pas directement touchée.