Diffusé vendredi, le verdict constitue une «décision pilote»,
selon un communiqué de presse du TAF. Il
donne définitivement gain de cause à cette contribuable, puisqu'il
ne peut être attaqué par un recours au Tribunal fédéral (TF).
Selon le TAF, l'accord signé en août dernier entre la Suisse et
les Etats-Unis n'a qu'une portée «amiable». Il ne peut modifier ou
compléter la Convention de double imposition entre ces deux pays,
qui distingue soustraction fiscale et fraude fiscale. Le Conseil
fédéral a outrepassé ses compétences.
Dans le cas d'espèce, la contribuable avait omis d'envoyer au fisc
le formulaire par lequel elle aurait dû déclarer avoir un compte
bancaire à l'étranger. Pour les juges du TAF, ce grief ne constitue
pas une fraude. Par conséquent, l'entraide administrative ne
saurait être accordée, compte tenu de l'art. 26 de la Convention de
double imposition.
4200 dossiers concernés
La même conclusion devrait s'imposer
pour de nombreux autres dossiers litigieux. En particulier pour les
25 procédures pendantes devant le TAF, qui concernent elles aussi
des affaires de soustraction fiscale.
Ce cas de figure risque cependant de constituer la majorité des
dossiers litigieux. Selon les statistiques de l'Office fédéral de
la justice, pas moins de 4200 dossiers, parmi les 4450 recensés,
rentreraient dans la catégorie des cas visés par la décision de
vendredi.
Selon le TAF, l'Administration fédérale des contributions devrait
par ailleurs reconsidérer les décisions qu'elle a prises jusqu'à ce
jour. Occupée depuis des mois par ces procédures administratives,
l'AFC a déjà rendu des centaines de décisions.
Pas le premier désaveu
L'accord passé en août dernier
entre Berne et Washington cible des clients UBS domiciliés aux
Etats-Unis. Ils doivent avoir été les titulaires directs et les
ayants droit économiques de comptes non déclarés entre 2001 et
2008. La Suisse s'était engagée à traiter la demande d'entraide
concernant 4450 comptes bancaires.
Dans le cadre d'une autre procédure, l'Autorité fédérale de
surveillance des marchés financiers avait court-circuité la justice
en février 2009. Elle avait alors décidé de remettre aux autorités
américaines les noms de 300 clients d'UBS.
Saisi de plusieurs recours, le TAF était arrivé à la conclusion
que ce transfert de données était illégal. Comme la FINMA l'a
annoncé jeudi, elle a décidé de soumettre ce litige au Tribunal
fédéral, dont le verdict ne devrait pas tomber avant plusieurs
mois.
La pression monte encore sur le Conseil fédéral
Les autorités fiscales américaines vont étudier la décision.
«Nous avons toutes les raisons d'espérer que le gouvernement suisse
continuera de respecter les conditions de l'accord», a déjà déclaré
un de leurs porte-parole.
Le Conseil fédéral, que cette décision met encore plus sous
pression, s'est également contenté d'en prendre acte , tout en rappelant
ses bonnes intentions. Il décidera de la suite des opérations lors
de sa prochaine réunion mercredi. Même silence du côté des
institutions de la place financière suisse.
ats/ant
Réactions des partis
L'Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) et l'Association suisse des banquiers (ASB) et l'UBS n'ont pas souhaité commenter le jugement.
Pour le PS, l'arrêt du TAF désavoue la politique «hésitante» du Conseil fédéral. Seule une commission d'enquête parlementaire (CEP) peut faire la lumière sur ce «fiasco», martèle le parti, soutenu par les Verts et l'UDC.
A l'opposé, le PDC insiste sur le fait que le Conseil fédéral «a fait du bon travail». La possibilité de prouver son innocence fait partie de l'Etat de droit et il n'y a pas lieu de commenter une décision de justice, estime-t-il.
Le jugement du TAF renforce l'Etat de droit et le secret des clients des banques, note pour sa part le PLR. Le parti attend de Washington qu'elle accepte ce verdict.
Près de deux ans de bras de fer
La décision du TAF constitue une étape de plus dans une saga qui se poursuit depuis bientôt deux ans.
Avril 2008: Les autorités américaines soupçonnent les conseillers de l'UBS d'avoir entraîné des clients américains à frauder le fisc et ouvrent une procédure.
Juin 2008: Les Etats-Unis demandent à la Suisse sa collaboration dans l'affaire UBS.
17 juillet 2008: L'UBS présente ses excuses devant une commission du Sénat.
18 février 2009: Pour mettre un terme au différend fiscal, la Finma autorise l'UBS à livrer des données bancaires concernant 250 clients aux autorités américaines. La banque verse 780 millions de dollars à la justice américaine.
21 février 2009: Dans le cadre d'une plainte civile contre l'UBS, les autorités fiscales américaines exigent la livraison d'informations concernant les comptes de 52'000 clients supplémentaires. L'UBS refuse.
13 mars 2009: La Suisse assouplit son secret bancaire. Le Conseil fédéral décide d'adopter les standards de l'OCDE pour l'assistance administrative en matière fiscale. Il refuse toutefois d'aller jusqu'à l'échange automatique d'informations.
30 avril 2009: L'UBS demande à la justice américaine d'abandonner les poursuites pour évasion fiscale lancées à son encontre. Elle argumente que la procédure violerait les lois suisses sur le secret bancaire.
19 juin 2009: Les Etats-Unis et la Suisse paraphent une Convention révisée de double imposition.
30 juin 2009: Le ministère américain de la Justice maintient la plainte contre l'UBS malgré les demandes de la banque et du Conseil fédéral de stopper la procédure.
8 juillet 2009: Dans une décision de principe, le Conseil fédéral interdit à l'UBS de transmettre des informations sur ses clients.
31 juillet 2009: Les parties au procès s'entendent pour régler le différend entre l'UBS et les autorités américaines par un accord.
19 août 2009: La Suisse et les Etats-Unis signent un accord dans lequel Berne s'engage à livrer de données concernant 4450 comptes de clients américains, et non 52'000.
8 janvier 2010: Le TAF juge que la décision de la Finma de transmettre les données bancaires de clients de l'UBS aux autorités américaines viole le droit suisse.
21 janvier 2010: La Finma recourt au Tribunal fédéral.
22 janvier 2010: Le TAF accepte le recours d'une contribuable américaine dont le dossier figure parmi les 4450 que Berne s'est engagée à livrer aux autorités américaines.