Le mouvement Extinction Rebellion s'attire le soutien de riches mécènes

Ils bloquent le pont de Westminster à Londres, paralysent la place du Châtelet à Paris ou colorent la Limmat en vert fluo à Zurich. De plus en plus nombreux, les activistes d'Extinction Rebellion, abrégé XR, multiplient les actions dans le monde.

Créé en Grande-Bretagne il y a seulement une année, le mouvement demande la reconnaissance d'une urgence climatique par un discours radical et une désobéissance civile non-violente. Largement médiatisées, ces actions chocs coûtent cher. Et pour les financer, tout argent semble bon à prendre.

1,5 million de francs récoltés au Royaume-Uni

A côté des opérations de financement participatif, qui tournent à plein régime, et des dons directs de petits particuliers, XR peut aussi compter sur le soutien de riches mécènes. Ceux-ci alimentent le mouvement au travers de fondations ou en noms propres. Au total, XR au Royaume-Uni indique ainsi avoir perçu près de 1,2 million de livres (1,5 million de francs) de dons supérieurs à 5000 livres entre mars et septembre 2019.

Parmi les gros donateurs, on retrouve le groupe Radiohead. Après s'être fait pirater les enregistrements du mythique album OK Computer, les musiciens britanniques ont décidé de les diffuser en ligne et de reverser les bénéfices à XR. La somme atteint 300'000 livres, soit 383'000 francs.

Donateurs problématiques

Aux côtés de Radiohead figurent aussi des mécènes moins consensuels, à commencer par le Britannique Christopher Hohn, fondateur d'un hedge fund et dont la fortune est estimée à 1,2 milliard de livres (1,9 milliard de francs).

Le richissime homme d'affaires a effectué un don personnel de 50'000 livres (63'000 francs) au mouvement, auxquels s'ajoutent 150'000 livres (191'000 francs) versés par sa fondation, la Children's Investment Fund Foundation. "J'ai fait ce geste car l'humanité est en train de détruire le monde de manière agressive à cause du changement climatique et il est urgent que nous prenions conscience de cela", explique-t-il.

Mais une donation en particulier a beaucoup fait parler d'elle au cours des dernières semaines: celle du Climate Emergency Fund (CEF), créé par trois millionnaires américains. L'investisseur Trevor Neilson, la fille de l'ancien sénateur Robert Kennedy, Rory Kennedy, et Aileen Getty, une héritière d'un empire pétrolier, se sont ainsi engagés à verser 350'000 dollars (348'000 francs) au mouvement XR. Des philanthropes qui constituent de purs produits de la société que critique justement Extinction Rebellion.

Soupçons de greenwashing

Des dons pour une cause ultra-médiatisée, voilà qui pourrait s'apparenter à de l'écoblanchiment ou greenwashing, comme l'explique Emma Tieffenbach, chercheuse et spécialiste de la philanthropie à l'Université de Genève: "On assiste à une mode à vouloir financer plutôt des projets de préservation de l'environnement qui va de pair avec l'évolution de la société. Même si vous êtes acteur du problème, ces revendications écologiques constituent l’occasion rêvée de vous bâtir une bonne réputation, surtout si elle a été mise à mal. On affiche sa vertu vers des causes qui font le consensus".

Même si vous êtes acteur du problème, ces revendications écologiques constituent l’occasion rêvée de vous bâtir une bonne réputation

Pour la section principale d'Extinction Rebellion, cet argent, tout comme les liens avec le monde de la finance, ne posent pas de problème. Le responsable de la gestion des dons au Royaume-Uni est d'ailleurs un pur produit de l'establishment financier de la City. Ancien trader sur les produits dérivés passé par des banques comme Lloyds ou HSBC, Andrew Medhurst a quitté son "gros salaire à six chiffres" à la fin de l'année dernière pour se mettre au vert.

Mouvement horizontal et décentralisé

Reste qu'à l'international, la générosité des millionnaires, surtout ceux qui se sont enrichis grâce aux énergies fossiles, ne fait pas l'unanimité. Mouvement horizonal et décentralisé, XR n'a pas les mêmes règles de fonctionnement, et donc de financement, partout dans le monde. Ainsi, la branche française de XR a refusé, après de nombreux débats, de recevoir une partie de l'argent provenant du Climate Emergency Fund  en raison de soupçons de greenwashing.

Contactée par la RTS, la section helvétique de XR affirme qu'elle communiquera son budget au début de l'année prochaine. Seule indication pour l'instant: son financement est uniquement assuré par des dons privés en Suisse et par Radiohead.

Kevin Gertsch, Delphine Gianora