L'Organisation mondiale de la santé (OMS) dédie la semaine en cours au thème du "bon usage des antibiotiques", pour sensibiliser l'opinion publique mondiale à la résistance face à ces médicaments.
Mais un autre problème devient préoccupant désormais: le désintérêt croissant des pharmas pour ces antibactériens. Ainsi Novartis a fermé l'an dernier son laboratoire de recherche sur le développement de nouveaux antibiotiques, renonçant du même coup à ses projets de développement d'antibiotiques capables de détruire les superbactéries.
Un "front commun" qui n'aura pas duré
La décision est intervenue deux ans seulement après que le groupe bâlois avait annoncé faire front commun avec plus de 80 entreprises internationales pour lutter contre les infections résistantes aux antibiotiques.
Et Novartis n'est pas le seul: le français Sanofi a lâché ce domaine l'année dernière aussi alors que l'anglo-suédois Astra Zenica a renoncé à ses recherches sur les antibiotiques en 2016. D'autres ont retiré leurs billes il y a plus d'une dizaine d'années déjà, comme l'allemand Bayer ou l'américain Elli Lilly notamment.
Moins lucratif que des anticancéreux
"Il y a plusieurs raisons à cela", explique le docteur Benedikt Huttner mardi dans La Matinale de la RTS. La première, "c'est que c'est moins lucratif que d'autres médicaments comme ceux contre la démence ou le diabète, des maladies chroniques que l'on prend pendant des années alors que l'on prend souvent des antibiotiques pour des périodes limitées à quelques jours".
Et c'est ce qui fait que le rendement est moindre pour l'industrie pharmaceutique, d'autant qu'il s'agit de médicaments relativement bon marché par rapport à d'autres.
Un cercle vicieux
Mais il y a aussi le problème de la résistance, relève ce médecin-adjoint agrégé auprès du Service des maladies infectieuses des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): "Si on met sur le marché un antibiotique, il y a souvent très rapidement des résistances qui en diminuent l'efficacité. Il y a donc de plus en plus d'efforts pour limiter l'utilisation des antibiotiques à certaines situations très limitées, ce qui diminue encore plus le rendement."
Autrement dit, il est difficile pour les entreprises pharmaceutiques d'investir dans un médicament dont on cherche à éviter l'utilisation. La recherche dans le domaine des anticancéreux, par exemple, peut s'avérer beaucoup plus rentable.
Quelque 700'000 décès annuels
L'OMS estime à 700'000 le nombre de décès annuels liés aux résistances aux antibiotiques. L'organisation évoque également le chiffre de 10 millions de décès dans 30 ans.
"C'est une urgence sanitaire", souligne Benedikt Huttner. Mais "il ne faut pas oublier qu'il y a encore des millions de décès aussi d'enfants qui n'ont pas accès aux antibiotiques", souligne-t-il. Et "c'est très difficile d'estimer ce qui va se passer vraiment dans 30 ans, il y a toujours beaucoup d'incertitudes."
oang avec Katja Schaer