Le Black Friday, incontournable, force les commerçants suisses à s'adapter

Publicités omniprésentes dans les médias et l'espace public, ou personnalisées à grand renfort de sms et d'e-mails: le Black Friday, impossible de l'ignorer, aura lieu vendredi. Cette journée de promotions a ses origines aux Etats-Unis et au Canada, où elle marque le lendemain de la fête de Thanksgiving - et où les prix cassés provoquent régulièrement des scènes de cohue dans les magasins. Et depuis quelques années, la "tradition" s'exporte désormais aussi dans le reste du Globe.

En Suisse, Manor a été le premier distributeur à importer le concept, il y a cinq ans. Mais aujourd'hui, tout le monde, ou presque, s'y est mis. Le Black Friday est-il un bon pari pour les commerçants? Il serait en tout cas risqué de ne pas s'engouffrer dans la brèche, car le Black Friday est déjà bel et bien installé dans les habitudes de consommation.

"On ne peut pas ne pas participer"

"Dans notre branche, le Black Friday est actuellement un argument de vente très important", indique Francesco Foglia, chef de vente chez Fust pour la Suisse romande et le Tessin. "Si vous n'êtes pas sur le coup, vous manquez les ventes importantes. On ne peut pas ne pas participer."

Le Black Friday est ainsi devenu le coup d'envoi des achats de Noël, qui se font toujours plus souvent en novembre, en Suisse comme à l'étranger. Selon l'institut GFK, les Suisses dépenseront environ 310 millions de francs cette semaine, une somme en augmentation.

Pic du chiffre d'affaires

En terme de chiffre d'affaires, il s'agit chez Fust de l'une des trois semaines les plus importantes de l'année, souligne Francesco Foglia. Un impact que certains commerçants ont chiffré: à la Fnac Suisse, la semaine du Black Friday représente environ 5% du chiffre d'affaires annuel, "avec une croissance d'environ 20% par rapport à la même semaine l'année dernière", précise Cédric Stassi, directeur général de Fnac Suisse.

A l'en croire toutefois, le client n'achètera pas deux fois: "Les clients anticipent leurs cadeaux de Noël, et c'est pour cela qu'on a une véritable attente sur cette période."

Pour les commerçants, le Black Friday permet également de lisser les achats de Noël sur une plus longue période, diminuant le pic entre le 20 et le 24 décembre, difficilement gérable au niveau du service en magasin et des livraisons.

Stratégie commerciale

Et si les prix réduits du Black Friday mettent les marges sous pression, ils dissimulent également une stratégie commerciale.

"Les marges générées pendant cette période sont nettement inférieures à la moyenne annuelle", admet Francesco Foglia de Fust. "Mais on s'y retrouve, car ce que l'on veut, c'est que nos clients achètent chez nous, restent reliés et fidèles à la marque."

Du côté de la FNAC, Cédric Stassi tempère. Il observe notamment un changement dans l'habitude d'achat. "Le Black Friday, comme les soldes, tire les prix vers le bas. En revanche, on voit une véritable tendance de fond, plus prononcée cette année, pour l'achat de produits à plus forte valeur. Cette année, nos offres vont dès lors aller dans ce sens-là, ce qui va nous permettre de sauvegarder nos marges."

Ce qu'il faut aussi comprendre, c'est qu'une telle opération est anticipée, notamment en négociant avec les fournisseurs. La contrepartie, c'est le volume extraordinaire d'acheteurs lors de ce Black Friday.

Bases de données clients

Il y a aussi une stratégie sur le plus long terme. "Les volumes d'achat sont très importants et les enseignes enregistrent beaucoup de nouveaux clients, qui seront ensuite travaillés par les enseignes au cours des mois suivants", explique Jérôme Amoudruz, fondateur de la plateforme Blackfriday.ch qui répertorie les promotions de cette journée en Suisse. "L'important pour eux, c'est d'avoir une base de données clients qui leur permet ensuite de développer leurs affaires tout au long de l'année."

Cette frénésie de fin d'année ne doit pas faire oublier que le commerce de détail souffre en Suisse. Une raison supplémentaire pour les commerçants de miser à ce point sur le Black Friday.

>> Ecouter aussi le débat de Forum autour de l'alternative "Fair Friday", qui promeut une consommation raisonnée et éthique :

Romain Bardet/kkub