Cet événement, auquel ont assisté 600 personnes venues du monde
entier, marque la fin des déboires industriels du programme mais il
intervient en plein milieu d'une affaire de délits d'initié chez
EADS, maison mère d'Airbus, liée précisément aux problèmes de
fabrication de l'avion géant.
Le quadriréacteur, qui avait été dévoilé en janvier 2005 devant
quatre chefs d'Etat et de gouvernement, a été livré lundi devant un
parterre composé essentiellement de salariés d'Airbus, de Singapore
Airlines et d'autres partenaires et de journalistes.
"Ce jour restera un jour mémorable pour tous ceux qui ont
travaillé si dur ces dernières années", a déclaré Thomas Enders,
président de l'avionneur européen, devant les invités. L'A380 ouvre
un "nouveau chapitre dans l'histoire de l'aviation", a ajouté
Thomas Enders, vantant les mérites de ce très gros avion civil,
"fleuron du XXIe siècle", "plus vert, plus propre, plus silencieux,
plus rentable".
Après les discours de Thomas Enders, de Chew Choo Seng, président
de Singapore Airlines, et de Sir John Rose, directeur de Rolls
Roys, l'appareil a été présenté aux invités. Les trois présidents
et Arnaud Lagardère, patron du groupe éponyme, actionnaire d'EADS,
sont montés à bord de l'A380 de Singapore Airlines, configuré avec
471 sièges répartis en trois classes (économique, affaire et
suite).
La carte du luxe
La compagnie phare d'Asie, Singapore Airlines, a décidé de jouer
la carte du luxe et de l'espace pour l'aménagement intérieur du
gros porteur A380, dévoilant ses douze "suites", des premières
classes au niveau de service et un confort qu'elle dit
"inégalé".
Pour la modique somme de 8000 euros, les clients les plus
dépensiers du vol de l'A380 reliant Singapour à Sydney pourront
voyager sur un fauteuil large de 1 mètre, déclinable en une variété
de positions assises et allongées. Un tarif entre 40 et 80% plus
élevé que la première actuelle sur les vieux 747 de Boeing assurant
la même liaison.
De couleur beige et marron, ces petites cabines individuelles
possèdent toutes un écran individuel de 58 cm, permettant de
regarder un film ou de surfer sur internet. Comble du luxe, les
cabines du milieu sont convertibles en un lit double pour les
passagers voyageant en couple, chacun disposant d'un
téléviseur.
Les 12 passagers des "suites" ont également le privilège de se
partager deux toilettes particulièrement spacieuses, dont l'une
configurée pour les gens en fauteuil roulant.
La classe affaire, qui comprend 60 sièges, est "la plus spacieuse
au monde", se vante Singapore Airlines. Elle coûte également 20% de
plus qu'une classe affaire sur les 747 assurant la même liaison.
Large de 86 cm, le fauteuil peut aussi se transformer en lit avec
un écran individuel large de 39 cm.
Plus serrés, les 399 passagers économiques doivent se contenter
d'un fauteuil et d'un écran plus étroits, 48 cm pour le premier, 27
cm pour le second. Singapore Airlines affirme être la première
compagnie au monde à proposer des jeux en 3D.
Départ mardi
L'A380 partira le lendemain pour Singapour, d'où il effectuera
son premier vol commercial le 25 octobre en ralliant Sydney. Les
places de ce vol aller-retour ont été mises aux enchères sur le
site internet eBay et ont rapporté 1,3 million dollars, somme qui
sera reversée à des oeuvres caritatives.
La livraison de l'avion a été repoussée en raison de problèmes
d'industrialisation, en particulier dans l'assemblage des câblages
électriques. Des difficultés qui ont mis en lumière le manque
d'intégration entre les différentes composantes d'Airbus et conduit
à la simplification de la direction franco-allemande.
Destiné à défier le 747 de l'américain Boeing, seul super-jumbo
dans les airs depuis 1970 doté dans sa version élargie de 450
places, l'A380 pourra transporter 525 passagers en aménagement
standard et jusqu'à 853 en charter. L'avion totalise à ce jour 189
commandes fermes et engagements d'achat émanant de 16 clients,
principalement de la région du Golfe, d'Asie et d'Europe.
380 millions de francs
En raison des retards et des surcoûts, Airbus doit vendre 420
A380 à prix catalogue - 319,2 millions de dollars (380 millions de
francs) - pour rentrer dans ses frais, contre les 270 qu'il avait
prévus au lancement du programme en 2000.
Les espoirs commerciaux de l'A380 sont fondés sur le développement
des liaisons de hub - grande plate-forme de correspondance - à hub
qui ont besoin de très gros porteurs. Ces derniers devraient
représenter 7% des livraisons d'avions entre 2006 et 2025, selon
les prévisions d'Airbus.
Boeing les chiffre à seulement 4% et mise sur des appareils plus
petits transportant les passagers à leur destination finale sans
correspondance avec le long-courrier Dreamliner B787, dont la date
de mise en service vient d'être repoussée de six mois à décembre
2008. Sur ce créneau, l'A350 XWB d'Airbus ne sortira qu'en
2013.
afp/tac
Succès et soupçons
Il y a un peu plus de deux semaines, l'européen a remporté un joli succès en convaincant la compagnie British Airways, fidèle cliente de Boeing, de lui acheter douze A380 avec des options sur sept autres.
Mais cette bonne nouvelle a été occultée une semaine plus tard par les résurgences de soupçons de délit d'initié au sein d'EADS, impliquant les principaux actionnaires privés et dirigeants du groupe, dont l'Allemand Thomas Enders qui dirige Airbus depuis fin août.
Un nouveau coup dur pour l'avionneur au moment où il met en oeuvre son plan de redressement Power8 qui prévoit la suppression d'ici à 2010 de 10'000 emplois, dont la moitié chez les sous traitants.
Les charges liées au retard de l'A380 ont pesé pour 2,5 milliards d'euros dans l'exercice 2006 d'Airbus, en perte de 572 millions d'euros. La facture totale de la crise devrait dépasser 6 milliards d'euros d'ici à 2010.
La fête dans la tourmente
Le président d'EADS Louis Gallois a assuré lundi qu'il était possible de faire la "fête dans la tourmente".
Cette tourmente "n'était pas celle d'EADS, ni celle d'Airbus, mais c'est celle qui est créée autour de nous", a-t-il expliqué.
"Je ne vais pas parler d'autre chose aujourd'hui", a-t-il insisté.
De son côté, Arnaud Lagardère, après être monté à bord de l'A380, s'est abstenu de tout commentaire.
Ce week-end, il avait nié tout délit d'initié et affirmé par ailleurs que son groupe avait informé "dès janvier 2006" les services de Dominique de Villepin de son intention de vendre une partie de sa participation au capital du groupe EADS.