L'écoute en streaming, sauveuse de l'industrie musicale dans le monde

C'est un record historique. En 2019, le nombre d'écoutes sur les plateformes de streaming a dépassé pour la première fois la barre des 1000 milliards, soit 29,3% de plus qu'en 2018, selon le rapport annuel du cabinet Nielsen. Champion toutes catégories, le rappeur américain Lil Nas X a totalisé à lui seul 2,5 milliards d'écoutes avec sa chanson "Old Town Road" (voir classement en encadré).

Après l'effondrement des ventes de CD au début des années 2000, puis l'avènement des téléchargements légaux ou pirates, le streaming donne un sérieux coup de fouet à l'industrie musicale.

Preuve de cette formidable accélération, les revenus générés dans le monde par le streaming sont passés de 0,4 milliard de dollars en 2010 à 8,9 milliards en 2018, d'après la dernière publication de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI). Surtout, les écoutes en ligne représentent une part toujours plus importante de la totalité de l'argent généré par l'industrie musicale. Conséquence, les revenus globaux ne cessent d'augmenter pour atteindre 19 milliards de dollars.

Un abonnement pour un accès illimité

YouTube Music, Spotify, Apple Music, Deezer ou encore TikTok constituent les acteurs les plus importants du marché. La recette du succès est simple: aujourd'hui, les utilisateurs ne paient plus pour devenir propriétaires de titres ou d'albums mais ils s'offrent un abonnement mensuel d'une dizaine de francs pour accéder à des chansons de manière immédiate et illimitée. La plateforme suédoise Spotify compte par exemple plus de 50 millions de morceaux dans son catalogue.

Ce système-là profite avant tout aux plateformes elles-mêmes et aux grandes maisons de disques.

Qui sont les bénéficiaires de cet engouement massif pour le streaming? "Ce système-là profite avant tout aux plateformes elles-mêmes et aux grandes maisons de disques avec lesquelles elles ont des accords. Les artistes arrivent en queue de liste", observe Jonathan Nido, musicien et fondateur du label indépendant Hummus Records, basé à La Chaux-de-Fonds.

L'argent touché par ces derniers varient en fonction des services de streaming. Deezer rétribue par exemple 0,005 dollar par titre, Apple Music 0,004 dollar et le mastodonte Spotify, qui revendique 100 millions d'abonnés payants, 0,003 dollar.

Les artistes, parents pauvres

Dans cette jungle des rémunérations, difficile de régater pour les petits labels et leurs protégés, comme l'explique Jonathan Nido: "De notre côté, sur 60'000 ou 70'000 francs de chiffre d'affaires, seuls 10'000 francs sont liés au digital. Et cela pour une quarantaine d'artistes".

Hummus Records produit notamment Emilie Zoé, chanteuse vaudoise élue meilleure artiste romande aux Swiss Music Awards l'an dernier. Malgré plusieurs dizaines de milliers d'écoutes sur les plateformes de streaming, ses gains restent infimes. "Emilie Zoé a généré environ 2000 francs en 2019, la moitié pour elle et l'autre moitié pour le label", détaille le responsable.

Pour vivre, la plupart des artistes doivent donc compter sur d'autres sources de revenus, à commencer par les concerts, de même que la vente de disques et de produits dérivés.

Delphine Gianora et Kevin Gertsch