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"Les accords de libre-échange peuvent sensibiliser les pays à l'écologie"

L'invité de la Matinale (vidéo) - François Gabella, vice-président Swissmem
L'invité de la Matinale (vidéo) - François Gabella, vice-président Swissmem / La Matinale / 11 min. / le 3 février 2020
Les opposants dénoncent régulièrement l'impact écologique des accords de libre-échange que la Suisse négocie actuellement. François Gabella, vice-président de Swissmem, explique lundi à la RTS que ces accords devraient au contraire permettre aux autres pays de faire des progrès.

Les accords de libre-échange que la Suisse négocie actuellement avec une quarantaine de pays, dont les Etats-Unis et le Brésil, seraient-ils par définition mauvais pour l'écologie? "Cette objection est la plus légitime", selon François Gabella, membre d'economiesuisse et vice-président de Swissmem, la faîtière suisse de l'industrie des machines.

"Il est tout à fait compréhensible que la population suisse – qui souhaite appliquer des standards écologiques, sociaux ou démocratiques – se soucie de s'approvisionner dans des pays qui partagent ces objectifs", précise-t-il lundi dans la Matinale.

"Il y a deux voies philosophiquement différentes pour y arriver. La première, c'est de se poser en modèle mondial et de refuser de commercer avec quiconque ne respectant pas ces standards, c'est une manière de faire. Mais je doute fortement que la Suisse arrivera à infléchir des politiques de pays comme l'Indonésie – un pays de 200 millions de personnes, alors que nous ne sommes que 8 millions – ou les Etats-Unis et l'Inde, par exemple".

L'exemple de l'Indonésie et de l'huile de palme

"La deuxième voie, qui est à mon avis pragmatiquement la meilleure et la plus efficace, c'est au contraire de commercer avec ces gens-là et de saisir l'occasion de ces dialogues tout à fait ouverts et francs avec ces pays, pour leur monter que le respect de ces standards ne sert pas juste à nous tranquilliser la conscience, mais qu'au contraire, cet aspect permettra à ces pays de faire des progrès".

François Gabella donne l'exemple des discussions entre la Suisse et l'Indonésie et d'autres pays qui ont fait pression sur elle: "L'Indonésie est en passe de comprendre notamment que la déforestation de forêts tropicales causées par la culture de l'huile de palme est une mauvaise chose pour eux."

Pour rappel, plusieurs organisations ont d'ailleurs lancé la semaine passée à Berne un référendum intitulé "Stop huile de palme" visant à empêcher la ratification de l'accord de libre-échange avec l'Indonésie. Le combat des référendaires va au-delà de l'huile de palme.

"Un nouveau label de durabilité dans la production de l'huile de palme est en train d'émerger et ce label – selon les études de l'EPFL – montre qu'il est possible de cultiver cette huile de palme de manière socialement ou écologiquement responsable. La voie du dialogue vaut mieux que celle du paternalisme", conclut François Gabella.

Interview radio: Julien Bangerter

Adaptation web: Stéphanie Jaquet

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"Les accords de libre-échange trop souvent diabolisés"

François Gabella défend le fait que la Suisse, "pays fondamentalement ouvert", signe des accords de libre-échange avec d'autres pays: "L'économie suisse vit du poumon de son commerce avec d'autres pays puisque plus de 50% de la valeur ajoutée en Suisse est exportée. Donc il est absolument indispensable que nous ayons accès à tous ces pays".

Alors que les accords de multilatéralisme perdent de leur vigueur, notamment à cause de pays qui tirent la couverture à eux ou d'autres qui ne respectent pas les règles de protection intellectuelle ou les normes environnementales et sociales, l'avenir semble plutôt se diriger vers les accords bilatéraux. "La Suisse n'est pas en mesure de dicter la voie sur laquelle les accords internationaux vont se développer. C'est effectivement une tendance: on le voit avec les Etats-Unis et avec quantité d'autres pays. La Suisse n'a pas d'autre choix que de se positionner avec cet instrument que sont les accords bilatéraux".

Pour cet ex-chef d'entreprise, ces accords ont été "diabolisés d'une manière trop importante. Selon lui, l'arrivée du conseiller fédéral, Guy Parmelin – qui vient lui-même de l'agriculture, qui est souvent mentionnée comme un secteur qui serait le plus impacté par ces accords bilatéraux – est une bonne chose, dans la mesure où on arrivera – et on a commencé – à dédramatiser l'impact de ces accords".

Dissiper les craintes

"Si on regarde les différents domaines dans lesquels la population suisse a des réserves, nous pouvons réduire ces craintes. Par exemple, la peur d'une déferlante de produits toxiques qui vont empoisonner le consommateur suisse: tant les biens indigènes que les biens importés sont soumis à un certain nombre de règles sanitaires et il n'est pas question de les abaisser".

Une autre crainte réside dans la précarisation de l'agriculture suisse, selon François Gabella: "Elle est effectivement soumise à toute une série de contraintes: que ce soit les coûts de production – qui sont très élevés dans notre pays – que ce soit un certain nombre de règles qui rendent la production plus chère... Mais, si on regarde les échanges en matière d'agriculture, on se rend compte que l'essentiel de ces échanges se font avec l'Europe – ce qui n'est pas le sujet de ces accords bilatéraux. Ceux-ci concernent souvent des pays lointains: par exemple l'Indonésie ou les Etats-Unis. Et on se rend compte que nos échanges commerciaux avec ces pays dans le domaine de l'agriculture sont extrêmement faibles".