L'argent est bon marché et facile à trouver pour les sociétés cotées en bourse. Outre les bourses chinoises, tirées vers le bas par le coronavirus, les marchés s'affichent en vert un peu partout dans le monde. Et particulièrement en Suisse. Mercredi, le SMI a atteint un nouveau sommet historique en dépassant la barre des 11'000 points. Du jamais vu.
Rien ne semble freiner cette hausse. Et les investisseurs professionnels ne sont pas les seuls à profiter de cette manne. Les petits acheteurs n'hésitent plus à se mesurer aux traders à haute fréquence et autres algorithmes pour placer eux-mêmes leur fortune, petite ou grande, sur ces juteux marchés.
"Les records battus jour après jour motivent des gens qui, au départ, n'avaient pas l'intention de gérer eux-mêmes leur fortune. Nous recevons environ 1000 demandes d'ouverture de compte par semaine. Ce qui est beaucoup pour un petit pays comme la Suisse," affirme Marc Bürki, fondateur et directeur général de Swissquote.
Nous recevons environ 1000 demandes d'ouverture de compte par semaine. Ce qui est beaucoup pour un petit pays comme la Suisse.
1,3 million de "traders" en Suisse
Selon une étude réalisée par moneyland.ch en 2019, plus d'un Suisse sur cinq âgé entre 18 et 74 ans a déjà acheté au moins une fois des papiers-valeurs et d'autres produits de trading. Soit 1,3 million de "traders".
Swissquote compte actuellement plus de 339'000 comptes clients, pour 32 milliards de francs d'avoirs sous gestion. Parmi eux, quelque 50'000 jouent avec le Forex, soit le marché des changes, plus propice à la spéculation et 20'000 sont des comptes épargne. Le reste, soit 270'000, sont des comptes de gestion de fortune (29 milliards sous gestion).
Selon Marc Bürki, ces investisseurs ne sont plus des "boursicoteurs", comme on l'entendait dans les années 90, soit des personnes qui jouaient avec les marchés comme on joue au casino: "Aujourd'hui, les gens qui utilisent la banque en ligne pour gérer eux-mêmes leur fortune et leurs finances sont comparables à ceux qui préfèrent réserver leur voyage en ligne plutôt que de passer par une agence de voyage".
"Franchement, je n'y connais rien"
La grande majorité des "traders" en ligne sont des hommes, mais les femmes s'y intéressent aussi. A l'image de Sylvie Anne Marguerat, qui a investi ses premiers milliers de francs en bourse, après avoir suivi un cours. En quelques mois, elle a réalisé des gains de quelques centaines de francs. Mais elle s'est fixé quelques règles, notamment de ne pas compter sur cet argent pour vivre. "Sinon, ça devient une addiction. Il ne faut pas y mettre trop d'émotion et garder son sang-froid."
Pour les traders amateurs, il y a aussi une part de chance, avec les conséquences que cela implique. Sylvie Anne Marguerat l'admet: "Franchement, je n'y connais rien. Donc je regarde un peu comment ça bouge d'après les critères que j'ai appris en cours. Et je pique au hasard. Celles qui montent. Et si je vois que ça ne va pas dans le bon sens, je revends".
Je pique au hasard. Celles qui montent. Et si je vois que ça ne va pas dans le bon sens, je revends.
De quoi inquiéter les investisseurs chevronnés, pour qui la bourse n'est pas un lieu sûr pour gagner. Même si les marchés enchaînent les records, la croissance n'est pas linéaire: "Si on regarde les marchés, on a l'impression que ça monte tout le temps. Mais en zoomant un peu, on voit des marchés un peu plus violents", avertit Thomas Veillet, directeur des investissements chez Merion Swiss Partners.
Il prévient les néophytes qui entrent sur le marché qu'il faut apprendre à gérer les mauvaises journées. Et d'évoquer ses craintes: plus la bourse suscite des vocations chez les amateurs, plus le risque d'euphorie augmente. Et qui dit euphorie, dit aussi risque élevé de chutes sur les marchés.
Feriel Mestiri et Gabriel de Weck