"La question est surtout de savoir combien de temps l'épidémie va durer?", s'interroge John Plassard, spécialiste en investissements à la banque Mirabaud, mercredi matin dans La Matinale. "Beaucoup d'analystes font le parallèle avec l'épidémie de Sras, poursuit le banquier. Or, en 2002-2003, la consommation chinoise de produits de luxe était de 8%. Aujourd'hui, elle se monte à 35% de la consommation totale, donc si l'effet est le même que le syndrome respiratoire aigu sévère, l'impact final sera beaucoup plus élevé".
Des effets qui se font déjà ressentir
Sans vouloir faire dans le cynisme, John Plassard estime que, du point de vue économique, la période tombe d'autant plus mal pour l'économie. "Durant le Nouvel an chinois, 450 millions de personnes voyagent, se déplacent et ...consomment. On estime qu'en une semaine, les Chinois dépensent quelque 140 milliards de dollars. Bien sûr, cette année ils continuent à consommer, mais évidemment cela aura un impact immédiat sur l'économie", analyse le spécialiste en investissements.
Du fait de l'importance économique de la Chine dans le commerce international, certains effets se font déjà ressentir. "Il faut rappeler que la Chine est le plus gros consommateur de pétrole. Depuis l'arrivée du coronavirus, on a pu constater une baisse de 20% de la consommation pétrolifère, qui par un effet de domino a un impact sur les producteurs. On peut aussi parler de la consommation de nickel et de cuivre. C'est toute la chaîne qui est touchée", explique-t-il.
Au-delà du drame humain qui a déjà fait près de 500 morts, il apparaît que les anticipations économiques sur l'impact du coronavirus sont relativement faibles: "On a l'impression que l'on va faire un copier-coller du Sras et de son impact. Mais il faut rappeler deux choses: peu de personnes se souviennent qu'en mars 2003, les Etats-Unis intervenaient en Irak. Historiquement, cela a boosté les marchés. Alors qu'aujourd'hui, ce qui n'est pas anticipé par les marchés c'est le fait que le coronavirus a un impact économique, mais aussi commercial. La Chine a récemment promis d'acheter pour 200 milliards de biens de plus qu'en 2017 avec les Etats-Unis. Cela est remis en question", constate John Plassard.
Impact sur le franc suisse?
L'impact est aussi monétaire et pourrait toucher de plein fouet le franc suisse, estime l'économiste: "A cause du coronavirus et de l'incertitude que cela engendre, il y a une anticipation d'une baisse des taux de la Réserve fédérale américaine qui sont maintenant au plus haut. Ces anticipations ont progressé très fortement juste après le premier cas de coronavirus. Tout cela va très certainement avoir un impact sur la Banque centrale européenne et sur la Banque nationale suisse, qui regarde de près le différentiel de taux avec ses voisins, et qui pourrait également baisser ses taux en cas de crise grave. Et là, cela pourrait de nouveau avoir un impact sur le franc suisse".
Le coronavirus pourrait-il avoir un effet à long terme sur la croissance économique? Là encore, tout dépend de la durée de l'épidémie, mais aussi de son cantonnement à la Chine. "Si un Américain décède à New York, l'inquiétude des marchés sera beaucoup plus élevée et pourrait engendrer une perte de confiance ce qui serait dommageable pour la croissance", estime John Plassard.
Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Jérémie Favre
Quid du commerce suisse?
A en croire John Plassard, le commerce helvétique pourrait souffrir de l'épidémie du coronavirus, mais dans une moindre mesure: "Si on prend le cas de la Suisse, on voit que les exportations vers la Chine sont assez faibles et ne représentent que 5% du total. Mais certains secteurs comme l'agroalimentaire ou l'horlogerie pourraient être touchés de plein fouet"... Là aussi, tout est une histoire de durée de l'épidémie.
L'industrie horlogère est particulièrement attentive à la situation en Chine. Mercredi par exemple, Swatch Group renonçait à organiser son propre salon en raison du coronavirus. La semaine dernière, les chiffres des exportations horlogères suisses montraient une chute de 11% sur l'année 2019, aussi liée aux contestations qui secouent Hong Kong, premier marché d'exportation pour les montres helvétiques.
>> Plus de détails sur les impacts du coronavirus sur l'industrie horlogère suisse dans le sujet de Romain Bardet dans La Matinale: