Précurseuse, la Suisse l'a été en ce qui concerne les salles de consommation à moindre risque (SCMR). C'est à Bienne qu'a été ouverte la première "salle de shoot" européenne dès 1986. Le pays compte aujourd’hui une douzaine de structures, principalement dans les villes alémaniques. Deux locaux d'injection existent en Suisse romande, à Genève et Lausanne (où elle a ouvert fin 2018).
Plusieurs pays d'Europe occidentale (dont les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg ou la France), le Canada et l'Australie s'en sont inspirés et ont intégré les SCMR dans leurs politiques en matière de drogue.
Le modèle ne fait pas l'unanimité et cristallise les antagonismes sur la réponse à apporter aux problèmes de stupéfiants. Certains y voient un risque de banalisation de la consommation de drogues, il est aussi politiquement périlleux car les opinions publiques y sont souvent opposées a priori.
Les SCMR ont pourtant un impact positif sur "la réduction du taux d’infection au VIH et à l’hépatite C chez les jeunes usagers de drogues", d'après un rapport du Consortium international sur les politiques des drogues. "Le nombre de décès liés à la consommation de drogues a diminué. (...) Des changements positifs ont également été observés au niveau des comportements d’injection et au niveau de l’hygiène", note le document.
En France, deux salles ont fini par ouvrir à titre expérimental à Paris et Strasbourg en 2016 après une longue polémique. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues s'en explique ainsi: "en aucun cas le dispositif des SCMR ne s’inscrit dans une logique de banalisation de la consommation: (il s'agit) de dispositifs mis en place dans le prolongement des autres actions de réduction des risques".
Prescrire de l'héroïne pour réduire les risques
La Suisse a aussi été le premier pays au monde à intégrer la prescription médicale d'héroïne à son arsenal antidrogue. Une vingtaine de centres sont habilités à la pratiquer. Lors de son introduction, la méthode a suscité un débat national. Pour l'OFSP, c'est une des clés du succès actuel de la politique de la drogue helvétique.
En 2007, un rapport de l'OFSP estimait: "la valeur scientifique et clinique [du traitement avec prescription de diacétylmorphine] peut être considérée comme établie". Ce document de synthèse pointait notamment que le traitement était corrélé à une forte baisse de la délinquance liée à la drogue, et que les patients le suivant sur la durée avaient plus souvent un logement stable et une activité.
A l'issue de cette thérapie, les patients sont dirigés vers un traitement à la méthadone voire un traitement visant l’abstinence. Cette méthode est aujourd'hui autorisée et pratiquée dans plusieurs pays et, selon l'OFSP, "des études publiées aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne et en Grande-Bretagne confirment les résultats positifs enregistrés en Suisse".
D'autres mesures innovantes
La Suisse a développé d'autres mesures innovantes dans la politique antidrogue comme la mise à disposition de matériel d'injection propre ou l'analyse des substances (ou "drug checking"). Le premier dispositif permanent de drug checking de Suisse romande a été lancé en juin 2019 à Genève.
L'objectif d'un tel système est là encore de réduire les risques liés à la prise de drogues, en s’assurant par exemple qu'elles ne sont pas surdosées, ou coupées avec d’autres substances inattendues et potentiellement dangereuses.
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