Seuls les UDC et les radicaux ont défendu l'option d'un renvoi
du projet au Conseil fédéral, comme le proposait une courte
majorité de la commission préparatoire. Cette manoeuvre aurait
permis au gouvernement de se pencher à nouveau sur l'«opportunité»
d'une privatisation et d'envisager d'autres solutions, comme le
maintien de 51 ou 33% des actions (contre 62,45% aujourd'hui).
Refusant cet «emplâtre sur une jambe de bois», socialistes et
démocrates-chrétiens ont fait pencher la balance en faveur du
torpillage du projet, comme déjà en mai à la Chambre du peuple.
Mais leur alliance repose sur des opinions de fond divergentes.
Alors que la gauche ne veut pas d'une privatisation de l'ex-régie,
le PDC semble prêt à certaines concessions.
Partie remise
La non-entrée en matière ne signifie pas une mise aux oubliettes
définitive de la privatisation de Swisscom, a souligné ainsi Rolf
Escher (PDC/VS). Mais un renvoi ne suffira pas pour rafistoler le
projet précipité et lacunaire du Conseil fédéral. «Il ne s'agit pas
ici de soigner une carie, mais de refaire complètement le dentier»,
selon lui.
La longueur excessive du catalogue de questions à élucider prévu
dans la proposition de renvoi prouve le besoin de reprendre
l'exercice au début, a ajouté Peter Bieri (PDC/ZG). Son collègue
valaisan Simon Epiney s'est quant à lui interrogé sur la nécessité
de changer un système profitable, Swisscom ayant une rentabilité de
7% par an, et sur le risque de devenir otage d'un groupe
étranger.
Une privatisation sans assurances concernant le service public
pourrait remettre en cause la desserte des régions périphériques, a
fait valoir Ernst Leuenberger (PS/SO). D'ailleurs, la plupart des
cantons s'y sont opposés lors de la consultation. Le peuple non
plus ne l'accepterait jamais en cas de référendum, a mis en garde
le socialiste.
Bouée de secours
Autre argument contre le renvoi, il faut mettre fin à
l'incertitude qui frappe le géant bleu concernant son avenir.
Plusieurs orateurs ont d'ailleurs rappelé que Swisscom a déjà frisé
le crash boursier en raison des déclarations contradictoires de
certains conseillers fédéraux en novembre dernier.
Pour Pierre-Alain Gentil (PS/JU), il n'est pas question de lancer
une bouée de secours au Conseil fédéral qui se noie avec cette
affaire en raison de son «obstination politique». «Le projet ne
peut plus être sauvé, mais la privatisation va revenir sur le tapis
tôt ou tard», a tempéré Simonetta Sommaruga (PS/BE).
Marché suisse trop petit
Les partisans de la vente des actions en main de la
Confédération ont insisté pour leur part plus sur les questions de
forme que de fond. Il est clair qu'une privatisation pure et simple
ne réunira pour l'heure pas une majorité, a admis le président de
la commission Thomas Pfisterer (PRD/AG).
Mais le refus d'entrée en matière ne résout pas les problèmes. Le
marché suisse est trop petit pour que Swisscom puisse survivre à
terme sans s'engager à l'étranger, a jugé Rolf Schweiger (PRD/ZG).
Il s'agit aussi de régler le conflit d'intérêts que cause la
quadruple casquette portée par la Confédération, qui fait office de
régulatrice du marché, législatrice, propriétaire et cliente, selon
This Jenny (UDC/GL).
Aux yeux de ses sympathisants, le renvoi aurait ouvert la voie à
un désengagement échelonné de l'Etat. Il se serait par exemple agi
de conserver une majorité simple ou une minorité de blocage.
agences/ruc
Une rentabilité en baisse
Swisscom a subi une baisse de son bénéfice net de 11,5% à 460 millions de francs au 1er trimestre, sur un an.
Le chiffre d'affaires net a régressé de 2,9% à 2,45 milliards de francs, sous l'effet de la poursuite de la baisse des prix.
Le résultat d'exploitation (EBIT) a reculé de 6,7% à 686 millions de francs, a indiqué le géant bleu.
Si les ventes diminuent, Swisscom n'est pas pour autant abandonné par sa clientèle (forte progression dans l'ADSL et la téléphonie mobile).
Pour l'exercice dans son ensemble, l'opérateur table sur un chiffre d'affaires net d'environ 9,5 milliards de francs.
Il avait dégagé des ventes de 9,7 milliards l'an dernier, pour un résultat net de 2 milliards.
Le désarroi de Merz
Même l'appel de Hans-Rudolf Merz, qui a fait miroiter une cession des actions de la Confédération par étapes, a été vain.
La plupart des pays europens ont privatisé leur société de télécoms ou n'y ont maintenu qu'une participation minoritaire, a souligné le ministre des finances.
La Suisse est en retard au vu de l'évolution incertaine de cette branche. «Ce refus d'entrer en matière, sous-tendu de buts divergents, me laisse désemparé», a conclu Hans-Rudolf Merz.