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La grande lessive chez EADS

Humbert (g.) et Forgeard, lors de la présentation de l'Airbus A340
Humbert (g.) et Forgeard, lors de la présentation de l'Airbus A340
C'était dans l'air, c'est désormais officiel : le coprésident français d'EADS, Noël Forgeard, et le président allemand de sa filiale Airbus, Gustav Humbert, ont démissionné. Ils font les frais de la crise du no1 européen de l'aéronautique.

Les deux hommes ont été remplacés respectivement par deux
Français: Louis Gallois, actuel président des chemins de fer
français (SNCF), et Christian Streiff, un ancien du groupe
Saint-Gobain, géant des matériaux de construction.

Noël Forgeard, 59 ans, ancien patron d'Airbus, et Gustav
Humbert, 56 ans, qui lui avait succédé à la tête de l'avionneur à
Toulouse (sud-ouest de la France), paient ainsi les nouveaux
retards du programme d'avion géant A380. L'annonce de ces retards
avait fait chuter le titre EADS de plus de 26% en Bourse le 14 juin
et avait provoqué une grave crise industrielle et de
management.

Gallois, un homme rigoureux

Louis Gallois, 62 ans, ancien président d'Aérospatiale, l'une
des sociétés cofondatrices d'EADS en 2000, prendra la tête d'EADS
aux côtés de l'actuel coprésident allemand Tom Enders. Le nouvel
homme fort d'EADS représentait jusqu'ici l'Etat français au conseil
d'administration du groupe européen d'aéronautique et de défense
(15% du capital). Il jouit d'une réputation d'ouverture et de
rigueur, doublée d'une excellente connaissance du milieu
aéronautique.



Le nouveau patron d'Airbus, Christian Streiff, un ingénieur des
Mines de 51 ans, a quant à lui accompli la majeure partie de sa
carrière chez Saint-Gobain, et avait un temps été pressenti pour
succéder à son patron Jean-Louis Beffa. En vertu de la règle du
"reporting croisé" entre Français et Allemands chez EADS, M.
Streiff dépendra hiérarchiquement de M. Enders.

Structure bicéphale maintenue

La structure bicéphale d'EADS, un temps sur la sellette, n'a
finalement pas été remise en cause, la coprésidence
franco-allemande étant maintenue au niveau de l'exécutif et au
conseil d'administration, présidé par les deux actionnaires de
référence Arnaud Lagardère (15%) et DaimlerChrysler (30%). Deux
syndicats chez Airbus ont plaidé dimanche pour le maintien de cette
direction bicéphale.



Mais EADS "a décidé d'intégrer étroitement la Division Airbus à la
structure organisationnelle du groupe", tirant ainsi la leçon des
dysfonctionnements de communication qui ont entouré les retards de
l'A380. "Jusqu'ici, Airbus jouissait d'une très grande autonomie
vis-à-vis de sa maison mère. On a vu ce que cela a donné", fait-on
valoir de source proche du dossier.



Le ministre français de l'Economie Thierry Breton a souligné que
l'Etat actionnaire d'EADS avait "soutenu la proposition faite par
les acteurs industriels", en ajoutant que la "relation
franco-allemande sort(ait) renforcée" de cette crise. La situation
d'EADS devrait être évoquée lundi entre le président Jacques Chirac
et la chancelière Angela Merkel à l'occasion d'un sommet
franco-germano-polonais.

Vingt milliards pour BAE Systems

A noter que quelques heures après ce remaniement, EADS a annoncé
qu'il devra débourser 2,75 milliards d'euros pour racheter la part
de 20% du britannique BAE Systems dans l'avionneur Airbus. Il
détiendra alors ce dernier à 100%. Ce montant a été déterminé par
la banque Rotschild. EADS, qui disposait en mars d'une trésorerie
de 5,5 milliards d'euros, a décidé de racheter cette part en
espèces.



La finalisation de la transaction reste encore sujette à
l'approbation des actionnaires de BAE Systems. La montée à 100% au
capital d'Airbus permettra à EADS d'intégrer plus fortement sa
filiale à la structure organisationnelle du groupe, comme s'y est
engagée sa direction dimanche.



afp/suh

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Deux hommes sacrifiés sur l'autel de l'A380

Gustav Humbert s'est expliqué via un communiqué d'Airbus. "La récente annonce de délais de production de l'A380 et de retards du calendrier de livraisons a été une déception majeure pour nos clients, nos actionnaires et nos employés. En tant que président d'Airbus, je dois prendre la responsabilité de ce revers", a-t-il déclaré.

Quant à Noël Forgeard, dont les Allemands demandaient la tête, il était fragilisé par les ratés du programme A380, mais aussi par sa vente controversée d'actions quelques semaines avant l'annonce des retards de l'avion géant, qui amputeront les comptes d'EADS de 2 milliards d'euros d'ici 2010.

En mars, le dirigeant français et d'autres cadres du groupe avaient exercé des stock options et vendu de gros paquets de titres. M. Forgeard et ses enfants avaient alors empoché une plus-value totale de 3,7 millions d'euros. Une enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF) est en cours.

Dans un communiqué distinct, le patron déchu d'EADS explique dimanche avoir démissionné "pour mettre un terme à une situation qui pouvait compromettre le règlement des difficultés actuelles d'Airbus et le développement d'EADS". Mais "cette décision n'a rien à voir ni avec les difficultés opérationnelles d'Airbus (...) ni avec la polémique sur l'exercice de mes stocks options, dont je rappelle qu'elles ont été exercées dans le strict respect des règles de déontologie et de droit", se défend-il.