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L'avènement de la voiture électrique va bouleverser la géopolitique

Voiture électrique en train d'être rechargée à une borne, le 10 juillet 2017 à Zurich. [Keystone - Christian Beutler]
Les répercussions géopolitiques de l'évolution rapide du secteur des voitures électriques / La Matinale / 3 min. / le 4 mars 2020
Désormais en plein boom, les ventes de voitures électriques dépasseront celles des voitures à moteur thermique à l'horizon 2030. Mais cette transition va avoir des répercussions géopolitiques grandissantes à l'échelle mondiale.

Malgré l'annulation du Salon de l'auto de Genève, les constructeurs présentent ces jours leurs nouveaux modèles de voitures électriques. C'est le cas par exemple de Dacia, qui annonce le modèle le moins cher du marché.

Ce segment de l'automobile ne cesse de croître: les ventes de voitures électriques ont bondi de presque 160% l'année dernière en Suisse.

Et cette évolution va avoir des répercussions grandissantes à l'échelle internationale. Les véhicules électriques et hybrides, qui ne représentent encore que 10% du parc aujourd'hui, atteindront 51% des ventes mondiales d'ici 2030.

>> Lire : L'offre en voitures 100% électriques va presque doubler cette année

Les matières premières au coeur des enjeux

A l'heure actuelle, c'est la Chine qui compte le plus de voitures électriques, loin devant l'Europe et les Etats-Unis. Mais ce boom programmé va redistribuer les cartes au niveau géopolitique, car la demande en matières premières se transforme.

"Une des principales difficultés des voitures électriques et des batteries est qu'elles nécessitent une quantité importante de minéraux, de métaux rares, comme les terres rares ou le cobalt", rappelle Simoné Tagliapietra, chercheur au centre de réflexion Bruegel à Bruxelles, dans La Matinale.

Ce qui n'est pas sans poser problème: la République démocratique du Congo, par exemple, assure deux tiers de la production mondiale de cobalt mais avec des conditions d'extraction et de commercialisation vivement critiquées.

Ce métal est nécessaire à la fabrication des batteries lithium-ion des voitures électriques, mais le risque d'une rupture d'approvisionnement, face à un pays aux conditions politiques et socio-économiques instables, est élevé. C'est la raison pour laquelle les industries automobiles et technologiques planchent sur des batteries qui nécessitent moins de cobalt.

Risque de dépendance vis-à-vis de la Chine

Mais il existe là aussi une difficulté: "D'autres substances, comme les terres rares, sont présentes dans plusieurs pays du monde en termes de réserves mais leur traitement ne se fait pratiquement qu'en Chine", souligne Simoné Tagliapietra. "Donc il y a toujours le risque que la Chine décide - pour des raisons géopolitiques - de suspendre l'exportation des terres rares. Et cela interromprait la chaîne de valeur des voitures électriques."

La mainmise de la Chine se fait déjà sentir sur l'industrie technologique, alors que Pékin a plusieurs fois menacé de diminuer ses exportations de terres rares. Certains redoutent donc une dépendance accrue du secteur automobile - et des économies occidentales - vis-à-vis de la Chine.

Nécessaire reconversion des pays pétroliers

Pour d'autres pays, dont le modèle économique repose sur la production de pétrole dont la demande baissera, la situation est inverse. "Les pays pétroliers vont encore avoir une influence assez fondamentale sur toute l'économie mondiale pendant les vingt prochaines années. Ensuite cela diminuera", prévoit Jean-Marie Chevalier, professeur émérite d'économie à l'Université de Paris Dauphine et ancien directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières.

A quelle vitesse? "C'est une question très difficile mais qui va, à mon avis, dépendre fondamentalement de la prise de conscience de la population mondiale par rapport aux effets du réchauffement climatique."

Ces pays - les Etats du Golfe, la Russie, le Nigéria et la Norvège notamment - doivent adapter leur modèle économique pour qu'il puisse durer aussi après l'âge d'or du pétrole. Certains ont déjà entamé cette conversion alors que d'autres, comme le Venezuela ou la Libye, sont à la peine.

Katja Schaer/oang

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