"Le résultat de ces discussions a été assez clair", a déclaré le
directeur général de l'OMC Pascal Lamy. "Il n'y a pas eu de progrès
et par conséquent, nous sommes dans une crise". "Il n'y a pourtant
pas de quoi paniquer", a-t-il toutefois ajouté, mais il a reconnu
qu'il faudrait beaucoup d'efforts pour résoudre les
divergences.
Les ministres ont convenu de se revoir à la fin du mois de
juillet et de tenter d'ici-là de rapprocher leurs positions. «Si
nous ne changeons pas de cap dans les deux semaines, nous n'aurons
pas de percée cet été et les négociations échoueront», a averti le
commissaire européen Peter Mandelson.
«Il est minuit moins cinq», a-t-il ajouté. «La réunion n'a pas été
un succès, mais pas un désastre non plus», a affirmé M. Mandelson.
«Les principales pièces du puzzle devront être en place à la fin de
juillet», a indiqué le responsable européen.
Duel américano-européen
Les 149 pays membres de l'OMC auraient dû se mettre d'accord,
fin avril, puis fin juin sur des modalités chiffrées des réductions
des droits de douane agricoles et des produits industriels, dans le
cadre des négociations lancées à Doha en 2001. Ils ont également
discuté samedi de leurs offres sur les services.
L'UE attend des coupes réelles dans les aides à l'agriculture des
Etats-Unis. Dans le cadre de leur offre actuelle, ces aides ne
seraient pas réduites, mais pourraient passer de 18 milliards
actuellement à 22 milliards de dollars, selon Bruxelles. L'UE a
demandé aux Etats-Unis de ramener ce montant à 15 milliards.
Selon les ONG, l'échec des négociations est d'ailleurs imputables
aux américains et aux européens. "Les pays riches, en particulier
les Etats-Unis et l'Union européenne, n'ont encore une fois pas
voulu comprendre les questions de pauvreté soulevées par les pays
pauvres", a déclaré Action Aid.
Pascal Lamy critiqué
Les pays membres ont demandé au directeur général de l'OMC
Pascal Lamy de jouer un «rôle plus actif» dans les négociations en
tant que «catalyseur» d'un accord. M. Lamy a averti que, faute
d'entente fin juillet, il sera impossible de se mettre d'accord sur
l'ensemble du round à la fin de l'année, étant donné la complexité
des dossiers.
Cette échéance est considérée comme cruciale pour sauver le cycle
de Doha, pour que l'accord puisse être ratifié par le Congrès
américain avant la mi-2007, date à laquelle les pouvoirs spéciaux
du président américain en matière commerciale se terminent. «Le
fait que manifestement nous sommes dans une impasse ne signifie pas
la mort du cycle», a affirmé pour sa part la représentante
américaine pour le Commerce, Susan Schwab.
Le ministre brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim est
resté confiant. «Nous ne sommes pas très loin d'un accord, si
l'Union européenne avance encore un peu» et si les Etats-Unis
«utilisent les flexibilités dont ils disposent» pour réduire les
aides à leurs agriculteurs, a affirmé le ministre brésilien.
afp/ats/suh
Joseph Deiss déplore le manque de progrès
Joseph Deiss a regretté l'absence de progrès lors des deux jours de négociations à Genève.
«Je me sens personnellement frustré. Nous étions préparés à faire des progrès, mais l'absence de rapprochement entre les grandes puissances nous en a empêchés», a déclaré samedi le conseiller fédéral.
«L'Union européenne a donné des signes de flexibilité sur l'accès au marché, mais les Etats-Unis n'ont pas bougé. Le G20 n'a pas montré non plus d'indication qu'il est prêt à des concessions», a déploré Joseph Deiss.
Pour sa part, le G10, groupe des pays importateurs agricoles présidé par la Suisse, était prêt à se rapprocher de la position de l'UE sur l'accès au marché, a indiqué le conseiller fédéral.
En même temps, le G10 attache «une extrême importance» à la question des produits sensibles et exclut toujours un plafonnement des droits de douane, a souligné le Joseph Deiss.
Le chef du département de l'Economie, qui quittera le conseil fédéral fin juillet, espère pouvoir participer aux dernières tractations.
Le cycle de Doha
Le cycle de Doha a été lancé en novembre 2001. Il vise à mettre la libéralisation des échanges au service du développement des pays pauvres. Les pays du Nord sont censés s'engager à réduire les aides à l'agriculture qui pénalisent les paysans du Sud.
Le 10 octobre 2005, le nouveau négociateur américain Rob Portman offre de réduire de 60% les subventions directes aux agriculteurs américains, tandis que le nouveau commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, propose de réduire les droits de douane agricoles européens dans une fourchette de 35% à 60%. Une offre considérée comme insuffisante par les États-Unis.
En Europe, la proposition de Peter Mandelson sur la baisse des droits de douane est dénoncée par plusieurs pays. L'Europe est coupée entre les "libre-échangistes" (Europe du Nord et de l'Est) et les "protectionnistes": Europe du Sud souvent plus agricole.